Les fermiers américains ont eu beau subir une sécheresse historique l'été dernier, leurs revenus restent à des niveaux record et ils les investissent dans la terre, faisant flamber le prix des parcelles.
En Iowa, plus gros Etat producteur de maïs du pays, les prix du foncier agricole ont bondi de 24% en 2012, de 63% sur les trois dernières années, selon une étude de l'Iowa State University.
L'emballement des cours des produits agricoles l'été dernier a compensé en partie les pertes dues à la sécheresse, qui touche encore 53% du territoire américain.
Et les assurances ont joué leur rôle, remboursant le record de 14,7 milliards de dollars aux cultivateurs.
Résultat: les profits du secteur ont seulement baissé de 3% par rapport à 2011, restant aux niveaux les plus élevés observés depuis 30 ans. Et ils devraient augmenter de 14% cette année, prévoit le gouvernement américain.
"Les agriculteurs ont de l'argent à dépenser et, vu les taux d'intérêt très bas, la meilleure façon pour eux d'investir est d'acheter encore plus de terrain pour augmenter leur rentabilité", avance Lyle Hansen, agent immobilier à Audubon, une bourgade de l'ouest de l'Iowa.
Dans la salle paroissiale, il s'apprête à vendre aux enchères une parcelle de 51,4 hectares. Gelés après une tempête de neige la semaine précédente, les terrains légèrement vallonnés accueillent habituellement du maïs et du soja.
Plus rentable que Wall Street
Dans l'assistance beaucoup de curieux. Les membres de la famille qui met en vente le terrain, la meilleure façon pour eux de se partager l'héritage de leur mère décédée à l'automne dernier. Et quelques agriculteurs prêts à débourser plus d'un million de dollars.
Pourtant aucun bling-bling ici. Les potentiels acheteurs sont quasiment tous vêtus de jeans et les casquettes sont sponsorisées par des fournisseurs agricoles.
Seules les ornementations du chapeau de cow-boy du commissaire-priseur brillent alors qu'il fait monter les prix.
Le terrain partira à 21.745 dollars l'hectare, soit 1,12 million de dollars, emporté par un agriculteur du coin. Encore loin du record de 54.116 dollars atteint en octobre.
"Si vous avez des billets plein les poches, il n'y a pas de meilleur endroit pour l'investir que dans du terrain agricole", assure Marvin Jorgensen, un des spectateurs venus se faire une idée des prix du moment.
Il a lui-même acheté son premier terrain en 1949 pour monter sa ferme, avec 5.000 dollars emprunté à son père.
A 85 ans, il possède aujourd'hui près de 6.900 hectares dispersés dans tout l'Etat, qu'il estime à environ 120 millions de dollars.
Il n'en a jamais revendu un seul, même pendant la crise agricole des années 1980 déclenchée en partie par la brusque chute de la valeur des terrains et qui a forcé nombre de fermiers à mettre la clé sous la porte.
Pour lui, les prix actuels ne sont pas irrationnels.
"Les agriculteurs ont tiré les leçons du passé. Ils achètent du terrain sans trop s'endetter. Si les prix baissent, ils n'auront pas à les revendre", assure-t-il.
"Est-ce une bulle spéculative qui va éclater du jour au lendemain comme la bulle internet? Je ne pense pas", renchérit Mike Duffy, professeur à l'Université de l'Iowa.
"Ca va peut-être se dégonfler peu à peu, comme un pneu percé par un clou", avance-t-il. "Mais sur le long terme, la valeur des terrains agricoles en Iowa fait mieux que le S&P500", l'un des principaux indices de Wall Street.