Vers un coup d'arrêt du chantier de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes? Le rapporteur public de la cour administrative d'appel de Nantes doit demander lundi après-midi l'annulation d'arrêtés préfectoraux autorisant les travaux de l'infrastructure controversée, que le gouvernement voulait lancer à l'automne.
Les préconisations du rapporteur public, généralement suivies par la justice administrative, doivent être développées au cours de l'audience, qui a débuté à 14H00 précises.
La décision de la cour, qui sera mise en délibéré à l'issue de l'audience, est attendue sous quinze jours.
"Ceux qui pensent que le rapporteur public peut être influencé par des pressions du gouvernement connaissent bien mal la justice administrative", a lancé en préambule la magistrate, Christine Piltant.
Elle va proposer à la cour d'annuler ou de modifier quatre des cinq arrêtés contestés en justice par les opposants, pris en décembre 2013 par le préfet de Loire-Atlantique et liés aux aménagements hydrauliques et aux destructions d'espèces protégées pour permettre la réalisation de la plateforme aéroportuaire et sa desserte routière.
Dix requêtes ont été déposées au total par les principales associations opposées au projet, des associations de protection de l'environnement, des agriculteurs et des particuliers.
Les opposants, qui ont entamé il y a une quinzaine d'années une intense bataille judiciaire pour stopper le projet quinquagénaire de transfert de l'actuel aéroport de Nantes Atlantique, relancé au début des années 2000, ont jusque-là perdu chaque manche.
Les requérants sont apparus à leur arrivée devant la cour administrative d'appel détendus et souriants. "C'est la porte de la marche vers la victoire!", a lancé Julien Durand, porte-parole de l'Acipa, principale association d'opposants, avant de pénétrer à l'intérieur du bâtiment, situé dans le centre-ville de Nantes.
- 'Fondamentalement mauvais' -
Ils demandent l'annulation des arrêtés dits "loi sur l'eau" et "espèces protégées" permettant la construction de cet aéroport, qu'ils jugent "fondamentalement mauvais sur le volet environnemental", souligne Françoise Verchère, l'une des requérantes, ancienne élue (Front de gauche) de Bouguenais, où est situé l'actuel aéroport nantais.
Les opposants pointent notamment l'insuffisance des mesures prises par le concessionnaire du site, Aéroports du Grand Ouest (AGO), une filiale de Vinci, pour compenser la destruction de l'écosystème actuel du site, une zone humide à 98%, et de la centaine d'espèces protégées qui s'y abritent.
Le projet "n'apporte aucune visibilité sur la surface mise en œuvre pour ces mesures compensatoires et ne fournit aucune garantie sur l'efficacité de ces mesures", argue Thomas Dubreuil, l'un des avocats des requérants.
La dérogation à la destruction et au transfert d'espèces protégées est prévue par le Code de l'Environnement, à condition que le projet soit d'intérêt public majeur, qu'il n'existe pas de solution alternative satisfaisante, et qu'il ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, de l'espèce dans son espace naturel.
En première instance, le 17 juillet 2015, le tribunal administratif de Nantes avait validé la méthode de compensation environnementale prévue dans le projet d'aéroport, considérant qu'elle ne portait pas atteinte à l'état de conservation des espèces.
La majeure partie des requérants avaient fait appel de ces jugements, à l'exception d'Europe Ecologie-Les Verts (EELV). Outre ces arrêtés environnementaux, ils demandent l'annulation d'un cinquième, qui déclarait d'utilité publique les travaux d'aménagement et de sécurisation des voies existantes autour du futur site, au motif qu'ils n'avaient pas fait l'objet d'une étude d'impact globale.
Si les juges administratifs annulent les arrêtés dits "loi sur l'eau" et "espèces protégées", "les conditions pour une intervention ou un démarrage des travaux ne sont aucunement réunies", estime Me Dubreuil, alors que Manuel Valls avait fixé pour l'automne l'évacuation progressive du site et le lancement des travaux.
Cela constituerait "une incontestable porte de sortie" pour François Hollande, qui "a eu trop d'opportunités pour stopper ce projet", a estimé Yannick Jadot, candidat à la primaire d'EELV, présent à l'audience.
Les travaux préalables à la construction de l'aéroport, déclaré d'utilité publique en 2008, sont suspendus depuis les dernières tentatives d'expulsion des occupants du site, à l'automne 2012, retardant sine die une ouverture de la nouvelle infrastructure, à une vingtaine de kilomètres au nord de Nantes, initialement prévue en 2017.