JPMorgan Chase a encore vu son ardoise juridique s'alourdir mardi de près de 2,6 milliard de dollars pour régler des poursuites pénales et civiles des autorités américaines qui l'accusaient d'avoir fermé les yeux sur les pratiques de l'escroc Bernard Madoff.La banque américaine, qui a été le principal banquier de Bernard Madoff pendant plus de 20 ans, était poursuivi au pénal pour ne pas avoir mis en place de système anti-blanchiment efficace et pour ne pas avoir signalé aux autorités les doutes et suspicions d'employés sur l'origine des rendements faramineux des investissements de Bernard Madoff."JPMorgan a su assembler les pièces du puzzle" de la fraude Madoff en retirant ses propres investissements dans les fonds de Madoff quand elle a été convaincue de l'origine frauduleuse de leurs rendements mirobolants, "mais elle n'a pas rempli ses obligations légales" d'avertir les autorités, a fait valoir le procureur de Manhattan Preet Bharara lors d'une conférence de presse.Aucun employé de JPMorgan n'est toutefois directement poursuivi.Dans une série d'accords croisés à l'amiable, la première banque américaine en termes d'actifs va payer 1,7 milliard de dollars à diverses instances gouvernementales afin d'indemniser les victimes de la plus grosse fraude boursière de l'histoire.Les charges pénales qui pèsent contre elle sont suspendues pour deux ans à condition notamment qu'elle reconnaisse "sa conduite". Elles seront abandonnées si à l'issue de ce délai, elle a suffisamment amélioré ses pratiques de lutte contre le blanchiment d'argent.JPMorgan Chase va aussi verser une amende de 350 millions de dollars au Bureau du contrôleur de la monnaie (OCC), une autre agence gouvernementale, et 543 millions de dollars à l'administrateur de la faillite de la société de Madoff, Irving Picard.L'administrateur dit avoir recouvré à ce jour "environ 9,783 milliard de dollars des fonds des clients de" Bernard Madoff, soit "55,9% du principal de 17,5 milliards de dollars perdus" par les victimes de la fraude."Nous aurions pu faire mieux"Bernard Madoff a été condamné en 2009 à 150 ans de prison pour la plus grosse fraude boursière de l'histoire, estimée à 65 milliards de dollars si l'on compte le principal et les intérêts perdus par les clients du gérant de fonds.Son escroquerie, une fraude "pyramidale", consistant à piocher dans les finances de ses nouveaux clients pour rétribuer ou rembourser les clients plus anciens, avait été révélée en décembre 2008 lorsque avec la crise, un nombre croissant d'investisseurs avaient demandé à récupérer leur dû."Nous reconnaissons que nous aurions pu faire mieux pour recouper les différentes informations et inquiétudes sur Madoff au sein de la banque", a reconnu dans un courriel un porte-parole de JPMorgan Chase. "Nous avons déposé une déclaration d'activité suspecte au Royaume-Uni fin octobre 2008, mais pas aux Etats-Unis", rappelle-t-il."Nous ne pensons pas qu'un quelconque employé de JPMorgan Chase ait sciemment contribué à la fraude pyramidale", a-t-il poursuivi, rappelant que celle-ci était "sans précédent".Les autorités américaines, notamment le gendarme boursier (SEC), ont elles aussi fait l'objet de vives critiques pour ne pas avoir réagi à des signaux d'alarme qui se multipliaient avant l'éclosion de l'affaire.Avec cette nouvelle amende, JPMorgan aura payé quelque 20 milliards de dollars de pénalités juridiques au cours des douze derniers mois, dont 13 milliards liés aux titres dérivés de prêts hypothécaires à risque (subprime), et plus de 1 milliard de dollars lié à l'affaire de la "Baleine de Londres".La banque fait encore face à des enquêtes et poursuites des Etats-Unis pour des soupçons de corruption en Chine, sur son négoce de matières premières, sur des manipulations du taux Libor ou encore des taux de change."JPMorgan voit ce dossier comme l'un des nombreux qu'il doit résoudre pour ne plus faire la Une des journaux à cause des enquêtes dont il fait l'objet, mais plutôt grâce à ses accomplissements bancaires", d'autant que l'affaire Madoff est "une tâche" pour la réputation de ceux qui y sont liés, a commenté Jacob Frenkel, avocat spécialisé dans les affaires boursières, interrogé par l'AFP.