Confrontées à une imposition de plus en plus lourde et à l'augmentation des charges sociales, de nombreuses entreprises grecques ont trouvé refuge ces dernières années dans les pays voisins, notamment la Bulgarie, Chypre ou Malte, selon les experts qui s'inquiètent des effet de ce "business run".
"Au total 11.500 entreprises grecques ont ouvert des comptes bancaires ou se sont enregistrées à la Chambre de commerce bulgare depuis 2012, année du pic de la crise grecque, dont 30% l'année dernière", a indiqué à l'AFP Christos Kazantzis, président de la Chambre gréco-bulgare de commerce.
Il s'agit surtout d'entreprises de transport routier mais aussi d'entreprises d'import-export affectées par le contrôle des capitaux, imposé en Grèce fin juin pour éviter que les liquidités ne quittent le pays, sur fond, à l'époque, de crise des relations entre Athènes et le reste de la zone euro.
L'économiste Dimitris Bibas, conseiller de l'Association grecque de petites et moyennes entreprises (GSEVEE) constate que "l'imposition, les salaires ou le coût de création d'une entreprise sont plus bas dans ces pays qu'en Grèce".
Avec un taux d'impôt sur les sociétés d'environ 30% en moyenne, la Grèce est loin devant la Bulgarie ou Chypre où ce taux est de 10% et 12,5%, relève M. Kazantzis.
Alexandros Ikonomakos s'est résolu il y a deux ans à transférer sa société d'importation de matières premières textiles à Petritz, petite ville bulgare près de la frontière avec la Grèce.
Outre les problèmes bureaucratiques et de lourde imposition, M. Ikonomakos déplore "l'énorme retard pris dans le remboursement de la TVA par l'Etat" en Grèce, ce qui "bloquait presque un tiers de son capital".
Vassilis Korkidis, directeur de la Fédération grecque du commerce, s'inquiète de cette fuite et appelle le gouvernement "à prendre des mesures pour inciter l'entrepreneuriat en Grèce en stoppant la surfiscalité".
- Harmonisation fiscale-
Actuellement, de nombreux entrepreneurs et les travailleurs à leur compte s'opposent à une nouvelle augmentation prévue des cotisations sociales, le gouvernement essayant ainsi de réduire le poids sur les retraités de la future réforme des retraites exigée par les créanciers du pays, UE et FMI.
"Tant que l'imposition ou les charges augmenteront, les entrepreneurs chercheront des solutions pour y échapper", dit M. Ikonomakos en soulignant que cela favorise plutôt l'évasion fiscale que la reprise.
Le durcissement du régime fiscal dû aux politiques d'austérité dictées par les créanciers a porté un coup sévère aux petites et moyennes entreprises (PME), colonne vertébrale de l'économie grecque.
Au moins 200.000 entreprises ont fermé depuis l'éclosion de la crise de la dette en 2010.
Toutefois, le nombre d'entreprises ayant quitté la Grèce "ne peut pas être précisé car aucune étude comparant les données des chambres de commerce grecques et étrangères n'existe pour le moment", déplore M. Kazantzis.
"La délocalisation fiscale de certaines entreprises ne signifie pas nécessairement leur fermeture, certaines continuant leurs activités en Grèce tout en ayant un département ou un compte en Bulgarie ou à Chypre, ce qui leur permet de faciliter les importations ou les transactions financières", souligne M. Bibas.
Cet expert note par ailleurs, que le déplacement des entreprises grecques "n'a pas entraîné la reprise en Bulgarie", l'un des pays les plus pauvres de l'UE.
Cette réalité, selon lui, "devrait être prise en compte par l'UE dans le cadre de l'harmonisation des coefficients fiscaux" dans les pays membres, une condition nécessaire pour empêcher l'assèchement des économies locales.
Comme la Grèce, la Bulgarie, Chypre et Malte sont membres de l'Union européenne, la Bulgarie ne faisant toutefois pas encore partie de la zone euro.
La délocalisation des entreprises grecques vers la Bulgarie n'est pas une première. Fin des années 90, des sociétés manufacturières, surtout du textile, avaient quitté la Grèce pour s'y installer alors qu'elle n'était pas encore membre de l'UE, à l'instar de nombreuses autres entreprises européennes qui souhaitaient alors bénéficier de bas salaires dans les pays de l'Europe de l'Est.