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Le gazoduc MidCat cristallise des intérêts nationaux divergents

Publié le 12/09/2022 13:41
Mis à jour le 12/09/2022 13:45
© Reuters. Le chancelier allemand Olaf Scholz et le président français Emmanuel Macron à Madrid, en Espagne. /Photo prise le 30 juin 2022/REUTERS/Yves Herman
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par Andreas Rinke, Belén Carreño et Michel Rose

BERLIN/MADRID/PARIS (Reuters) - Les explications données par Emmanuel Macron pour justifier son opposition au projet de gazoduc entre la France et l'Espagne ne semblent pas avoir convaincu à Madrid ou Berlin, où l'on soupçonne le président français de privilégier les intérêts de Paris au détriment du bien commun européen.

L'Allemagne et l'Espagne pressent la France de donner son feu vert à la relance de ce projet transpyrénéen qui permettrait de distribuer vers le nord de l'Europe du gaz algérien ou du GNL (gaz naturel liquéfié) transitant par l'Espagne, afin de réduire la dépendance envers les importations russes.

Lancé en 2013, le projet MidCat (Midi-Catalogne), qui devait relier une ville au nord de Barcelone à Barbaira, dans l'Aude, a été suspendu en 2019, jugé trop coûteux et dommageable pour l'environnement.

Il y a une semaine, lors d'une conférence de presse à l'Elysée à l'issue d'un entretien en visioconférence avec le chancelier social-démocrate allemand Olaf Scholz, Emmanuel Macron s'est déclaré peu convaincu par la nécessité de nouvelles interconnexions gazières, expliquant que les flux actuels entre la France et l'Espagne n'étaient pas saturés et que la construction du gazoduc prendrait trop de temps pour résoudre la crise énergétique en cours.

Mais les gouvernements allemand et espagnol restent sceptiques. Ils soupçonnent la France de chercher à protéger son secteur nucléaire en difficulté et de vouloir éviter la concurrence de l'Espagne, qui ambitionne de devenir un fournisseur majeur de gaz naturel grâce à d'importantes infrastructures portuaires capables de recevoir du GNL.

"Macron est sous la pression de plusieurs groupes qui n'aiment pas ce projet de gazoduc - le plus important étant sans aucun doute le secteur de l'industrie nucléaire", a dit à Reuters un haut responsable allemand.

Le ministère français de la Transition énergétique et le groupe EDF (EPA:EDF) se sont refusés à tout commentaire.

Olaf Scholz, qui a soulevé la question lors de son entretien avec Emmanuel Macron, avait estimé en août que le gazoduc MidCat "manquait cruellement" dans le contexte actuel de crise énergétique.

A Madrid, l'opposition manifestée par le chef de l'Etat français a occupé une bonne partie des discussions en conseil des ministres la semaine dernière, dit-on de source gouvernementale. Le gouvernement de Pedro Sanchez se dit prêt à démontrer la rationalité du projet, comme l'a proposé Emmanuel Macron.

Mais de même source, on estime que la France doit à son tour démontrer de quelle manière elle se montre solidaire avec le reste de l'Europe, alors que plus de la moitié de ses réacteurs nucléaires sont à l'arrêt pour maintenance ou des problèmes de corrosion.

"ON A ENVIE DE SORTIR DU GAZ"

Côté français, on fait valoir que le projet a été rejeté par les autorités de régulation françaises et espagnoles il y a trois ans. A l'époque, la Commission française de régulation de l'énergie (CRE) avait relevé que d'après des études indépendantes, les retombées économiques positives liées au projet étaient localisées "exclusivement" dans la péninsule ibérique.

Madrid a construit de nombreux terminaux GNL - trop, selon les experts du secteur - et le gazoduc vers la France constituerait un débouché parfait pour exporter son gaz vers le nord de l'Europe.

Mais la France convoite aussi cette position de principale plate-forme pour l'Europe occidentale de distribution des importations de GNL en provenance d'Amérique du Nord ou d'ailleurs. Elle dispose déjà de terminaux en Bretagne et à Dunkerque qui permettront de transporter du gaz outre-Rhin, après quelques ajustements techniques.

La France souligne aussi que le projet soulève des questions sur le plan environnemental et que l'objectif global est de réduire la dépendance au gaz, et non de l'accroître, en s'appuyant sur un mix énergétique axé sur des sources d'énergie décarbonées telles que le nucléaire ou les renouvelables.

"La France n'est pas fermée à réétudier ce dossier mais avec plus de scepticisme que les autres. Le truc qui gêne, c'est que nous, on a envie de sortir du gaz et qu'on n'a pas envie de se recréer une dépendance vis-à-vis d'autres pays", a déclaré à Reuters une source gouvernementale française.

L'Allemagne tout comme l'Espagne rétorquent que le gazoduc pourrait également être utilisé pour le transport d'hydrogène, autre solution verte face aux énergies fossiles. Le gouvernement allemand souligne qu'il pourrait ainsi transporter de l'hydrogène importé du Canada ou d'Afrique du Nord.

A cela, la France dit préférer la production locale d'hydrogène.

UN PLAN B VERS L'ITALIE

Face à l'opposition clairement exprimée par Emmanuel Macron, Berlin et Madrid examinent désormais des options alternatives. "Si vous ne pouvez pas travailler avec l'homme, contournez-le", résume un responsable allemand.

Un plan B consisterait à construire un gazoduc sous-marin entre l'Espagne et l'Italie, dit-on de sources gouvernementales allemandes et espagnoles.

"La construction d'un gazoduc n'est pas la partie la plus coûteuse - si les marchés estiment que c'est rentable, ils le financeront", déclare un responsable à Berlin. "Et peut-être que si la France craint d'être laissée de côté, elle changera d'avis."

Le gouvernement espagnol travaille activement sur une étude de faisabilité d'un conduit sous-marin reliant Barcelone à Livourne, sur la côte toscane, qui a déjà l'aval du gouvernement italien, indique pour sa part un responsable à Madrid.

© Reuters. Le chancelier allemand Olaf Scholz et le président français Emmanuel Macron à Madrid, en Espagne. /Photo prise le 30 juin 2022/REUTERS/Yves Herman

Un représentant de la région autonome de Catalogne estime cependant qu'un tel gazoduc ne serait pas la solution idéale, car il ne pourrait pas transporter d'hydrogène.

A Madrid, où le président du gouvernement socialiste Pedro Sanchez n'hésite pas à utiliser ses relations avec son homologue social-démocrate Olaf Scholz pour faire pression sur Emmanuel Macron, la question est de savoir quel type de contrepartie pourrait être proposée au chef de l'Etat français pour revoir sa position.

(Version française Jean-Stéphane Brosse, édité par Tangi Salaün et Sophie Louet)

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