Banquiers et décideurs politiques se sont opposés mercredi à Davos sur la régulation renforcée du système bancaire, les uns y voyant une menace pour la croissance et les autres un assainissement indispensable, au premier jour de ce conclave de l'élite économique mondiale.
A quelques heures du discours inaugural que devait prononcer le président français Nicolas Sarkozy, et alors que les 2.500 patrons et responsables politiques affluaient dans la station de ski des Grisons (est), plusieurs intervenants ont mis en garde contre le "populisme" qui, selon eux, inspire les projets de régulation et de réduction de taille des banques caressés par plusieurs gouvernements occidentaux.
Les premiers débats ont illustré l'appréhension des banquiers face aux mesures annoncées visant à taxer les banques et limiter leurs activités spéculatives, en France, en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis notamment. Ils réagissaient notamment à l'intention du président Barack Obama de limiter la taille des banques et leurs activités sur les marchés pour leur propre compte.
Selon le président de la banque américaine JP Morgan Chase International, Jacob Frenkel, si les gouvernements, qui ont financé des sauvetages massifs pour secourir les banques durant la crise des "subprimes", ont réagi "correctement", leurs projets de réforme actuels cachent "le danger d'un interventionnisme excessif, d'un protectionnisme".
Pour le président de la banque britannique Barclays Robert Diamond, une réduction de la taille des banques aurait un impact "très négatif" sur l'économie et l'emploi. "Les banques sont grandes parce qu'elles ont suivi leurs clients et les marchés", a-t-il ajouté.
Pour Jaime Caruana, directeur de la Banque des règlements internationaux (BRI), "il faut comprendre les limites de la régulation. La coopération internationale doit être renforcée".
"Le risque est que les projets de régulation ne s'attaquent qu'aux aspects les plus visibles et empêchent le secteur financier d'accompagner la reprise économique", a estimé Raghuram Rajan, professeur de finance à l'Université de Chicago.
En revanche, l'économiste Nouriel Roubini, connu pour avoir prévu la crise financière de 2008, a plaidé pour une action énergique. "Ce que propose Obama va dans le bon sens mais ne va pas assez loin. Nous devons séparer les banques commerciales des banques d'investissement", a-t-il affirmé. Le financier George Soros a également souhaité que Washington aille plus loin dans cette voie.
L'ancien gouverneur de la Banque centrale du Mexique Guillermo Ortiz a relevé que les banques dans les marchés émergents avaient moins souffert que celles des pays développés, essentiellement grâce à une régulation plus stricte. Cette régulation "semble avoir marché", a-t-il dit.
Le vice-président de la Banque centrale chinoise, Zhu Min, a dénoncé le fait que le secteur financier représentait à son apogée 16 fois celui du produit intérieur brut mondial. "Après cette crise, je pense, a-t-il dit, qu'une régulation plus importante est nécessaire".
Le président français Nicolas Sarkozy, qui a fait de la régulation et de la moralisation du secteur financier un de ses chevaux de bataille, devait revenir sur ces sujets en ouvrant formellement en fin d'après-midi cette 40e édition du Forum économique mondial.
M. Sarkozy sera le premier président français à s'exprimer à Davos. Il parlera pour l'essentiel de "l'après-crise" et de la "régulation de la finance mondiale", ont indiqué ses services.