par Simon Carraud
PARIS (Reuters) - L'ex-ministre sarkozyste Thierry Mariani a publiquement offert son soutien mercredi au Rassemblement national (ex-Front national), un ralliement pour l'heure circonscrit mais révélateur du nouveau rapport de force entre la droite et l'extrême droite à quatre mois et demi des européennes.
S'il n'a rien d'une surprise, tant l'ex-député Les Républicains (LR) avait semé d'indices ces derniers mois, ce transfert sonne comme un succès symbolique pour le parti lepéniste, dont la stratégie de "rassemblement" demeurait jusqu'à présent toute théorique.
Jamais l'ancien FN, traditionnellement isolé, n'avait réussi à attirer à lui un transfuge de droite avec un tel CV - député pendant 22 ans et ministre des Transports sous Nicolas Sarkozy.
En contrepartie, Thierry Mariani se voit offrir une place en position éligible sur la liste du RN aux européennes du 26 mai, une promesse également faite à l'ex-député UMP Jean-Paul Garraud, issu, lui aussi, de l'aile droite de LR.
"C'est un événement important parce qu'il participe de la recomposition de la vie politique", estime Marine Le Pen, interrogée mercredi par Radio Classique.
Pour autant, le passage de LR au RN ne concerne à ce stade que deux anciens élus, sèchement battus aux législatives de 2017, qui défendaient de longue date des positions proches de celles du parti frontiste, notamment sur l'immigration.
"Ils seront plus nombreux que cela", assure la présidente du RN, sans donner de nom. "C'est la Droite populaire (le courant fondé par Thierry Mariani-NDLR) qui rejoint le Rassemblement national, c'est-à-dire une partie en fait des Républicains."
Selon le député RN Sébastien Chenu, joint par Reuters, le parti annoncera dimanche les 12 candidats les plus hauts dans sa liste pour les européennes, parmi lesquels figureront huit membres du RN et quatre symboles de l'ouverture voulue par Marine Le Pen, dont l'essayiste Hervé Juvin.
"Nous sommes le coeur battant de l'opposition", juge Sébastien Chenu, lui-même passé par l'UMP jusqu'en 2014.
"UN JOB ET UN SALAIRE"
Le fait est que LR et le RN connaissent des fortunes diverses depuis la présidentielle de 2017, dont ils étaient chacun sortis sonnés - le premier en raison de son élimination au premier tour, le second à cause du débat raté par Marine Le Pen, de son propre aveu, face à Emmanuel Macron.
Le parti aujourd'hui dirigé par Laurent Wauquiez n'est crédité que d'environ 10% des voix selon les dernières enquêtes, tandis que celui de Marine Le Pen a progressivement repris des couleurs, plus encore depuis le début de la crise des "Gilets jaunes", au point de rêver à un score autour de 25%.
C'est précisément cette dynamique qui a conduit Thierry Mariani à préférer le RN à Debout la France (DLF), le parti de Nicolas Dupont-Aignan, qui le courtisait également.
Car, a-t-il dit mercredi lors d'une conférence de presse, seul l'ex-FN est en mesure de virer en tête au soir du 26 mai et donc de remporter le "référendum anti-Macron" que constituent à ses yeux les élections européennes.
A LR, on s'efforce de dédramatiser les deux départs du jour, qualifiés d'"aventures isolées" par un membre de la direction du parti.
"Ça fait plusieurs années qu'ils sont en marge du parti" et aujourd'hui "ils cherchent tout simplement un job et un salaire", ajoute ce même cadre, qui refuse de s'exprimer publiquement pour ne "pas faire de publicité" aux deux démissionnaires.
"Que Thierry Mariani, qui n'avait plus de mandat depuis son échec aux législatives, était isolé sur ses positions, soit allé chercher une place sur une liste aux européennes, ça le regarde", abonde Laurent Wauquiez dans une interview publiée mercredi sur le site des Echos.
Le président de LR, que les "juppéistes" soupçonnent de vouloir pactiser avec l'extrême droite, répète par ailleurs qu'"il n'y aura pas d'alliance avec Marine Le Pen".
Durant sa conférence de presse, Thierry Mariani a tiré sur son ancienne formation, un "club de gens sympathiques" mais si divisé qu'il se trouve désormais dans une "impasse stratégique".
L'ancien sarkozyste a expliqué avoir franchi le pas après avoir constaté une "clarification" du programme européen du RN. Celui-ci a en effet biffé d'un trait de plume la promesse d'un démantèlement de la monnaie unique et poussé au départ Florian Philippot, tenant de la ligne anti-euro, fin 2017.
(Edité par Yves Clarisse et Elizabeth Pineau)