PARIS (Reuters) - Le déploiement de caméras de surveillance "intelligentes" envisagé dans le cadre du déconfinement risque de "porter atteinte au bon fonctionnement de notre société démocratique", a jugé mercredi la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil).
Si les objectifs de ces dispositifs censés contribuer à la lutte contre la propagation du coronavirus sont "le plus souvent légitimes (...), leur développement incontrôlé présente le risque de généraliser un sentiment de surveillance chez les citoyens, de créer un phénomène d’accoutumance et de banalisation de technologies intrusives, et d’engendrer une surveillance accrue", écrit-elle dans un communiqué.
Ces dispositifs, poursuit la CNIL, ne doivent être déployés qu’avec le consentement des personnes filmées ou s’ils sont "nécessaires" aux objectifs poursuivis et doivent également répondre au principe de "proportionnalité", c’est-à-dire ne pas porter une atteinte disproportionnée à la vie privée.
La Cnil rappelle qu'en vertu du règlement général sur la protection des données (RGPD) en vigueur dans l'Union européenne, chacun a le droit de s’opposer à une captation de son image dans l’espace public.
Elle estime en outre que les images prises par les caméras thermiques, largement utilisées dans des entreprises telles que Renault (PA:RENA) ou Amazon (NASDAQ:AMZN), doivent être traitées comme des données personnelles lorsqu'elles permettent l'identification.
Pendant le confinement, la RATP s'est par exemple associée à la startup Datakalab pour mesurer la proportion de voyageurs portant des masques à la station parisienne de Châtelet-Les Halles à l'aide de six caméras. L'entreprise de transports a temporairement suspendu le 12 juin cette expérience lancée le 6 mai dernier pour répondre aux préoccupations de la Cnil.
La municipalité de Cannes a utilisé le même dispositif pour vérifier le port du masque sur trois marchés de la ville.
Selon Datakalab, quiconque s'oppose à être filmé peut le manifester en secouant la tête, une solution impraticable aux yeux de la Cnil.
(Mathieu Rosemain, édité par Jean-Philippe Lefief et Jean-Stéphane Brosse)