BEYROUTH (Reuters) - Des milliers de Libanais se sont rassemblés mercredi à Beyrouth pour marquer le premier anniversaire de la puissante explosion survenue dans le port de la capitale, certains d'entre eux brandissant des photos des victimes et demandant que justice soit rendue.
A la colère de nombreux Libanais, aucun haut représentant n'a jusqu'à présent été tenu pour responsable de l'incident provoqué par une large quantité de nitrate d'ammonium stockée sans précaution pendant des années dans le port.
Plus de 200 personnes ont été tuées, des milliers d'autres blessées, tandis que des quartiers entiers de Beyrouth ont été ravagés dans l'explosion, sur fond de crise économique et politique dans le pays qui n'a cessé de s'amplifier depuis.
L'enquête piétine, et les demandes visant à lever l'immunité d'anciens représentants et de membres de l'élite politique libanaise ont été rejetées. Ceux interrogés par les enquêteurs ont nié toute inconduite.
Tandis qu'une cérémonie commémorative se tenait sur le port, les forces de sécurité ont fait usage de canons à eau et de gaz lacrymogène près du Parlement pour disperser des manifestants ayant jeté des pierres en leur direction, ont montré des images télévisées diffusées en direct.
Une source sécuritaire a indiqué que six personnes ont été blessées dans les heurts.
Par ailleurs, alors que des foules affluaient vers le port, des échauffourées ont opposé des partisans de partis politiques rivaux dans le quartier voisin de Gemmayzeh, a-t-on appris d'une source sécuritaire. Des coups de feu ont été tirés en l'air.
"Nous n'allons pas oublier et nous ne leur pardonnerons jamais", a déclaré Hiyam al-Bikai, vêtue de noire et tenant une photo de son fils Ahmad tué l'an dernier suite à l'explosion. "S'ils ne peuvent pas leur faire rendre des comptes, nous le ferons avec nos propres mains", a-t-elle ajouté.
Sur une large bannière déployée sur un bâtiment surplombant le port était écrit "Otages d'un Etat meurtrier".
En ouverture d'une conférence internationale de soutien au Liban, dans la journée, le président français Emmanuel Macron a fustigé les "faillites" de la classe politique libanaise.
Un an après, les dégâts sont encore visibles à travers Beyrouth, où le port ressemble toujours au site d'une explosion.
Dans un rapport publié cette semaine, Human Rights Watch conclut que des preuves tangibles suggèrent que certains représentants libanais étaient informés des risques représentés par les stocks de nitrate d'ammonium et les ont tacitement acceptés.
En août dernier, dans les jours ayant suivi l'explosion, Reuters a rapporté que le Premier ministre de l'époque, Hassan Diab, et le président Michel Aoun avaient été prévenus le mois précédent des risques sécuritaires représentés par ces produits chimiques, notamment les ravages pour Beyrouth en cas d'explosion.
Michel Aoun assure être prêt à être interrogé si nécessaire, disant soutenir une enquête impartiale. Hassan Diab, qui a démissionné à la suite de l'explosion, a déclaré avoir la conscience tranquille.
(Reportage du bureau de Beyrouth, avec Michel Rose à Paris; version française Jean Terzian, édité par Nicolas Delame)