Les gendarmes ont procédé mardi à un vaste coup de filet contre le piratage de cartes bancaires sur internet, interpellant dans toute la France 22 personnes soupçonnées d'avoir escroqué plus de six millions d'euros à leurs victimes en pratiquant ce type de fraude de plus en plus répandue.
Les personnes interpellées auraient participé ou bénéficié (ou les deux) d'un large réseau qui se procurait, sur des forums internet dédiés à ce genre d'arnaque, des numéros de cartes bancaires permettant de faire des achats sur la Toile, ou des pistes magnétiques (ou "dumps") capturées illégalement et utilisées pour effectuer des retraits aux distributeurs de billets, a dit la gendarmerie.
Un certain nombre d'entre elles sont soupçonnées aussi d'avoir revendu les numéros de cartes bancaires sur internet et acheté des "dumps" pour fabriquer, pour leur utilisation propre ou celle de complices, de fausses cartes qu'elles encodaient elles-mêmes.
L'affaire a débuté en novembre 2011 avec la plainte d'un responsable d'une société victime d'escroqueries à la carte bancaire. Deux individus avaient été mis en cause les mois suivants.
Mais les investigations menées par les gendarmes experts en nouvelles technologies de la section de recherches de Toulouse et du groupement du Lot ont révélé une escroquerie d'une ampleur telle que la Juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Bordeaux, avec ses magistrats experts de la criminalité organisée et de la délinquance financière, s'est saisie du dossier.
Le haut de l'organisation ?
Mardi matin, 133 gendarmes, dont 35 spécialistes de cybercriminalité, ont donc interpellé 22 personnes dans le Gard, l'Hérault, l'Isère, la Mayenne, la Meurthe-et-Moselle, le Nord, le Rhône, la Seine-et-Marne, la Haute-Vienne, l'Essonne, les Hauts-de-Seine, la Seine-Saint-Denis, la Guadeloupe et Paris.
Dix-huit ont été placées en garde à vue. Les gendarmes ont saisi des ordinateurs, du matériel d'encodage de pistes magnétiques, des cartes vierges, de l'argent, des faux documents et des biens achetés grâce à l'escroquerie.
Les interpellés ont de 16 à 50 ans et viennent de tous les milieux sociaux, selon un enquêteur.
Depuis novembre 2011, les gendarmes en ont beaucoup appris sur le réseau et ses techniques de blanchiment. Un enquêteur reconnaissait cependant qu'il fallait encore remonter jusqu'à ceux qui sont derrière le système sur internet, tâche d'autant plus compliquée que, souvent, ils se trouvent à l'étranger.
"On a tapé aujourd'hui ceux qui se sont servis des cartes ou qui les ont encodées. Ce qui nous intéresse, c'est le haut de l'organisation", a-t-il dit.
De plus en plus de Français sont victimes de fraudes bancaires de plus en plus élaborées, commises grâce à internet par de petits délinquants ou des organisations complexes installées à l'étranger.
Entre 2010 et 2011, le nombre de ménages touchés par des débits bancaires frauduleux (souvent opérés par internet) est passé de 500.000 à 600.000, selon une étude de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP).
Un peu plus de la moitié des victimes (52%) disent que le débit le plus récent les visant "a été effectué dans un commerce en ligne", c'est-à-dire en utilisant leurs informations bancaires confidentielles, numéros de comptes, de cartes ou identifiants de connexion.
Selon l'un des responsables de l'ONDRP, Chistophe Soullez, ces délits augmentent parce qu'ils sont relativement aisés, que le gain est rapide et que le risque d'être pris est faible.