Skylander, cet avion tout terrain qui devait être construit en Lorraine avec le soutien des pouvoirs publics, ne verra finalement pas le jour. Mardi, la société porteuse du projet Sky Aircraft a été placée en liquidation judiciaire, faute de repreneur sérieux.
"Tout a été tenté pour sauver l'entreprise, mais aucune poursuite n'est envisageable", a indiqué le président du tribunal de commerce de Briey (Meurthe-et-Moselle), Jean-Marie Brancaléoni, avant de prononcer la liquidation judiciaire mardi matin devant des dizaines de salariés.
"Il n'y a pas d'offre sérieuse et régulière, la situation de l'entreprise est irrémédiablement compromise", a-t-il ajouté.
La société, filiale du groupe GECI qui emploie 113 salariés à Chambley (Meurthe-et-Moselle), avait été placée en redressement judiciaire en octobre.
Elle présente un passif de plus de 120 millions d'euros.
Sky Aircraft avait vu le jour en 2008 : il s'agissait de produire le Skylander, un avion bimoteur à hélices capable de transporter 19 passagers ou près de trois tonnes de fret et de faire face à des conditions climatiques et d'atterrissage extrêmes.
L'industriel avait reçu des avances remboursables pour 20 millions d'euros de la part de la région Lorraine, qui entendait développer la filière aéronautique sur son territoire, notamment à l'aéroport de Chambley.
Selon les salariés, les difficultés ont commencé fin 2011, lorsque la société s'est trouvée face à des difficultés de trésorerie, alors qu'elle ne dégageait aucune rentrée d'argent.
Le projet était toutefois soutenu par un large consensus politique: en janvier 2012, la chef de l'opposition au Conseil régional de Lorraine, Nadine Morano (UMP), par ailleurs membre du gouvernement de l'époque, avait ainsi annoncé un soutien de l'Etat de 60 millions d'euros, au titre du Grand emprunt et du Fonds stratégique d'investissement (FSI).
Mais, quelques semaines plus tard, le FSI s'était ravisé, en estimant que "le projet sous-estimait le coût final et surestimait les perspectives commerciales", alors que des promesses d'achat annoncées s'étaient finalement avérées incertaines.
Le Fonds avait alors conditionné son aide à l'adossement de Sky Aircraft à un partenaire industriel, sans succès.
Depuis le placement en redressement judiciaire, seul un repreneur potentiel, Hong Kong Technology Group Corporation, s'était fait connaître, "mais il ne s'est jamais présenté devant le tribunal", a souligné mardi le président de la juridiction commerciale.
Ce candidat devait en outre verser 13 millions de dollars au titre des garanties financières, somme qui n'a jamais été transférée en France.
"On a l'impression d'avoir accompagné un malade pendant des mois, avant une mort annoncée. Nous en voulons au PDG de Sky Aircraft, Serge Bitboul, comme à tous les acteurs du dossier qui n'ont pas respecté leurs engagements", a souligné auprès de l'AFP une représentante syndicale CFE-CGC, Nathalie Hannis.
Le secrétaire du comité d'entreprise, Pierre Médan, a pour sa part évoqué "un immense gâchis", en se disant "extrêmement déçu".
"Est-ce que Sky Aircraft a fait ce qu'il fallait, peut-être pas: Serge Bitboul était un novice sur le marché de la construction d'avions, il n'a pas su être crédible", a estimé l'une des salariées à la sortie du tribunal, en comparant l'aventure Skylander à "un naufrage".