L'enquête sur les incendies de batteries du Boeing 787 devrait durer encore des semaines et menace de peser sur les comptes du constructeur aéronautique qui pourrait avoir à payer grosses indemnités à ses clients.
"Il va falloir probablement encore des semaines avant d'être en mesure de dire aux gens ce qui s'est passé et ce qui doit être changé" sur le 787, surnommé le "Dreamliner", dernier long-courrier en date de Boeing, a estimé mercredi la présidente de l'agence américaine de sécurité aérienne (NTSB), Deborah Hersman lors d'une conférence de presse.
Les autorités américaines ont cloué au sol les Boeing 787 en circulation aux Etats-Unis ce qui s'est traduit par un maintien au sol de la flotte de 50 787 dans le monde entier, à la suite de deux incendies de batteries survenus sur ces avions, l'un au Japon le 16 janvier, l'autre aux Etats-unis le 7 janvier.
La présidente de la NTSB a expliqué mercredi que l'enquête se focalisait sur des courts-circuits, une envolée de température, et sur une réaction chimique incontrôlée qui auraient entraîné les surchauffes de ces batteries lithium-ion.
En bref, rien de nouveau depuis le dernier point presse de Mme Hersman il y a deux semaines. Les enquêteurs japonais piétinent eux aussi.
Richard Aboulafia, analyste aéronautique chez le cabinet Teal Group, s'attend à ce que cette enquête qui se prolonge entraîne le besoin de "re-certifier" l'avion. Cela devrait selon lui se traduire par "un maintien au sol des 787 pendant 6 à 9 mois".
Paradoxalement, remarque Loren Thompson, analyste du cabinet spécialisé Lexington Institute, "s'il y avait un problème majeur sur la batterie, on l'aurait résolu rapidement".
Il souligne que les clients de Boeing n'annulent pour l'instant quasiment pas de commandes car "il ne semble pas qu'il y ait un défaut majeur dans l'avion et le 787 est très économe en carburant. Les clients annuleront s'il apparaît que le problème ne peut être résolu".
Même si un porte-parole de Boeing a affirmé à l'AFP que le groupe ne prévoyait toujours pas d'"impact financier significatif" du maintien au sol des 787, M. Thompson reconnaît que le problème devient de plus en plus pesant.
"Ils ne peuvent livrer les 787 et donc ne peuvent pas être payés", explique-t-il, même s'il note que le 787 "devait générer moins de 10% des ventes du groupe" cette année.
Pour Richard Tortoriello, analyste de Standard and Poor's, le coût des problèmes du Dreamliner devrait être "assez important" pour Boeing, qui va sans doute être amené à payer de lourdes indemnités à ses clients pour ne pas être en mesure de leur fournir les avions commandés en temps voulu, sans parler de l'indemnisation des compagnies qui ne peuvent utiliser leur flotte de 787.
La compagnie japonaise All Nippon Airways (ANA), qui détient le plus de Dreamliners (17), vient ainsi d'annoncer mardi l'annulation de 368 vols supplémentaires d'ici la fin février, après déjà 838 annulations depuis le 16 janvier.
Richard Aboulafia évalue l'addition pour Boeing à entre "500 millions et 1 milliard de dollars". "Tout ne viendra pas forcément amputer les bénéfices", explique-t-il. Cela pourrait faire partie de la comptabilité à long terme du programme, avec des pertes différées", sans parler des assurances.
Pour l'instant, l'action du constructeur n'a que peu souffert des mésaventures de son long courrier: le cours est stable autour de 76,06 dollars depuis un mois.
Comme le remarque l'agence de notation Moody's dans une note mercredi, les déboires du 787, plus encore qu'une pénalisation financière immédiate, offrent au grand rival de Boeing, Airbus, une "fenêtre d'opportunité" inattendue pour gagner en parts de marché.
Pour M. Aboulafia, le problème de Boeing, c'est qu'il a négligé ses ingénieurs et donné tout le pouvoir de décision à ses financiers. Or "les financiers doivent repenser la manière dont ils gèrent l'entreprise", ajoute-t-il. "D'ici là, les investisseurs risquent de continuer à porter leur attention sur Airbus".