PARIS (Reuters) - La Banque centrale européenne (BCE) a relevé jeudi pour la dixième fois d'affilée ses taux d'intérêt face à des pressions inflationnistes persistantes, mais a signalé que ce cycle de resserrement monétaire, le plus agressif depuis la création de l'institution, touchait probablement à sa fin.
La BCE a choisi de relever ses taux d'un quart de point, ce qui porte son taux de dépôt à 4%, son plus haut niveau depuis la création de l'euro en 1999.
Les observateurs de marché étaient partagés entre une pause ou un nouveau relèvement d'un quart de point à l'issue de la réunion de jeudi, mais la perspective d'une inflation durablement au-delà de l'objectif de 2% de la BCE l'a emporté auprès des membres du Conseil des gouverneurs.
Dans ses dernières projections économiques parues jeudi, la banque centrale a relevé ses prévisions d'inflation pour 2023 et 2024 tout en dégradant ses projections de croissance économique pour la zone euro, notamment pour l'an prochain.
L'inflation ne devrait pas revenir à l'objectif de 2% de la BCE avant la toute fin de 2025, a estimé la présidente de la banque centrale, Christine Lagarde, lors d'une conférence de presse.
Ce dernier relèvement porte à 450 points de base au total la hausse des taux dans la zone euro depuis plus d'un an, un resserrement sans précédent dans l'histoire de la monnaie unique justifié par la lutte contre l'envolée des prix.
La BCE estime toutefois que ce cycle de hausses des taux touche désormais probablement à sa fin.
"Sur la base de son évaluation actuelle, le Conseil des gouverneurs considère que les taux d’intérêt directeurs de la BCE ont atteint des niveaux qui, maintenus pendant une durée suffisamment longue, contribueront fortement au retour au plus tôt de l’inflation au niveau de l’objectif", a déclaré l'institution dans son communiqué.
"Les futures décisions du Conseil des gouverneurs feront en sorte que les taux d’intérêt directeurs de la BCE soient fixés à des niveaux suffisamment restrictifs, aussi longtemps que nécessaire", est-il ajouté.
DURÉE PLUTÔT QUE NIVEAU
Ces deux paragraphes du communiqué ont été lus à plusieurs reprises par Christine Lagarde lors de sa conférence de presse, alors qu'elle était interrogée sur la fin du cycle de resserrement monétaire.
La présidente n'a pas exclu dans l'absolu un nouvelle hausse de taux, affirmant que l'attention se portait désormais sur la durée du maintien de taux élevés plutôt que sur leur niveau.
"L'accent va être mis, à l'avenir, sur la durée, mais cela ne veut pas dire - parce que nous ne pouvons pas le dire maintenant - que nous avons atteint le pic", a-t-elle déclaré.
Christine Lagarde a reconnu que certains membres du Conseil des gouverneurs auraient préféré une pause sur les taux mais ajouté que la décision d'un nouveau relèvement avait été prise avec une "solide majorité".
Les opérateurs de marché ont vu dans les annonces de la BCE un signal clair de la fin du cycle de resserrement monétaire.
"Bien sûr, la BCE a gardé ses options ouvertes, en mettant l'accent à nouveau sur son 'approche dépendante des données' pour décider de l'ampleur et de la durée de la restriction monétaire nécessaire pour ramener l'inflation à l'objectif de 2%", observe Holger Schmieding, économiste chez Berenberg.
"Il reste que, selon les normes des banques centrales, le signal selon lequel la BCE ne prévoit pas d'augmenter davantage les taux est assez clair."
CHUTE DE L'EURO
Sur les marchés financiers, cela s'est traduit par un affaiblissement de l'euro et des rendements obligataires de la région.
A 14h12 GMT, la devise unique reculait de 0,63% à 1,0660 dollar, au plus bas depuis trois mois. Le taux du Bund allemand à dix ans, référence pour la zone euro, reculait de près de quatre points de base, à 2,616%.
Les Bourses européennes ont pour leur part accru leurs gains après les annonces de la BCE. L'indice paneuropéen Stoxx 600 progressait de 1,13%.
"Notre lecture est que la BCE a en fini avec le relèvement de ses taux mais que nous n'attendons pas une baisse de sitôt. Nous pensons que les réductions de taux se feront au second semestre 2024", a estimé Mohit Kumar, économiste chez Jefferies à Londres.
Les investisseurs suivront la semaine prochaine la décision de politique monétaire de la Réserve fédérale (Fed) qui devrait, selon leurs attentes, opter pour un statu quo. La banque centrale américaine a entamé son cycle de resserrement monétaire plus tôt que la BCE.
La Banque d'Angleterre se prononcera aussi jeudi prochain sur ses taux d'intérêt. Une nouvelle hausse des taux est attendue mais les investisseurs ont abaissé cette probabilité à la suite des annonces de la BCE.
(Rédigé par Blandine Hénault, avec Francesco Canepa et Balazs Koranyi à Francfort, David Milliken à Londres, édité par Jean-Stéphane Brosse)