par Jonathan Cable et Leika Kihara
LONDRES/TOKYO (Reuters) - L'activité économique mondiale semble avoir frôlé la paralysie totale en avril à cause des mesures de confinement et de distanciation sociale imposées à la moitié de la population de la planète pour freiner la pandémie de coronavirus, montrent plusieurs enquêtes publiées jeudi.
La pandémie, qui touche désormais plus de 2,6 millions de personnes et en a tué plus de 180.000 dans le monde entier, a aussi bloqué la majeure partie de l'industrie.
Dans la zone euro, l'indice des directeurs d'achats (PMI) composite, qui rassemble les données du secteur manufacturier et de celui des services et qui est considéré comme un bon baromètre de l'activité globale, s'est effondré à 13,5 en première estimation, ce qui constitue, et de très loin, le pire résultat des enquêtes mensuelles de l'institut IHS Markit, lancées en 1998.
Ce chiffre est en outre nettement inférieur aux attentes des économistes interrogés par Reuters puisque la médiane de leurs estimations le donnait à 25,7 et que la plus basse était à 18,0.
Le PMI composite avait déjà enregistré en mars la pire chute mensuelle de son histoire en tombant à 29,7 contre 51,6 en février. Un chiffre inférieur à 50 traduit une contraction de l'activité.
"Comme attendu, les PMI d'avril dans la zone euro ont encore reculé, confirmant l'ampleur de la contraction", commente Bert Colijn, économiste d'ING (AS:INGA). "Mais que nous dit réellement l'enquête que nous ne sachions pas déjà en regardant par la fenêtre des rues vides et des boutiques fermées ? Pas grand-chose en fait."
IHS Markit estime que les chiffres publiés jeudi correspondent à une contraction de 7,5% du produit intérieur brut (PIB) de la zone euro au deuxième trimestre. Les économistes interrogés ces derniers jours par Reuters anticipent quant à eux une baisse de 9,6% du PIB.
LE CONSEIL EUROPÉEN TRÈS ATTENDU SUR LES MESURES DE RELANCE
En France, le PMI composite est tombé à 11,2 en avril après 28,9 en mars, là aussi un plus bas historique. La dégradation de la conjoncture que suggère ce recul est confirmée par l'enquête mensuelle de l'Insee sur le climat des affaires, qui estime à 35% la baisse de l'activité économique par rapport à son niveau habituel.
En Allemagne, les premiers résultats des enquêtes PMI donnent "une image effrayante de l'impact de la pandémie sur les entreprises", commente Phil Smith, économiste d'IHS Markit. L'indice PMI flash composite allemand chute à 17,1 alors qu'il n'était pas descendu en dessous de 36,3 pendant la crise financière de 2008-2009.
En Grande-Bretagne, le PMI composite ressort à 12,9. Et selon une enquête distincte de Reuters, le PIB britannique pourrait se contracter de 13,1% sur le trimestre en cours, ce qui marquerait sa pire chute depuis la Seconde Guerre mondiale.
L'euro cédait du terrain face au dollar après la publication de ces chiffres à 1,0785 mais les marchés boursiers réagissaient à peine, les investisseurs étant davantage préoccupés par l'issue du Conseil européen prévu dans l'après-midi pour débattre de nouvelles mesures de soutien à l'économie.
"La réaction assez mesurée à l'ampleur des décalages montre que les marchés ne sont pas du tout surpris et sont pratiquement immunisés contre les indicateurs pour l'instant", note Olivier Konzeoue, de Saxo Markets.
En Asie, la situation conjoncturelle est à peine différente: le PMI "flash" du secteur japonais des services a plongé à 22,8 en avril et l'indice manufacturier à 43,7, au plus bas depuis avril 2009 et en Corée du Sud, où l'économie est très dépendante des exportations, les statistiques officielles montrent que le PIB s'est contracté de 1,4% au premier trimestre, sa pire performance depuis le quatrième trimestre 2008.
Aux Etats-Unis, le PMI "flash" composite est tombé en avril à 27,4 après 40,9 en mars, un recul qui traduit une chute d'activité d'une brutalité sans précédent depuis la création de cet indicateur en octobre 2009.
Quant aux inscriptions au chômage, à 4,43 millions sur la semaine au 18 avril, elles reculent certes pour la troisième semaine d'affilée mais portent à plus de 26 millions en cinq semaines le nombre d'Américains qui ont perdu leur emploi, soit 16% de la population active.
(Version française Marc Angrand, édité par Blandine Hénault)