KARLSRUHE, Allemagne (Reuters) - La Cour constitutionnelle allemande mercredi a jugé illégaux les avantages fiscaux liés aux droits de succession des entreprises familiales dans leur forme actuelle, une décision susceptible d'affecter les milliers de petites et moyennes entreprises du "Mittelstand", considérées comme la colonne vertébrale de la première économique européenne.
Le tribunal de Karlsruhe donne au législateur jusqu'à la mi-2016 pour présenter un nouveau projet de loi qui assure une égalité de traitement entre personnes physiques et morales. Le régime en vigueur continuera de s'appliquer d'ici-là.
Il juge que des conditions plus restrictives devraient être imposées aux entreprises familiales si elles veulent bénéficier de ces avantages fiscaux.
Le vice-président du tribunal, Ferdinand Kirchhof, a déclaré que l'assiette et les modalités d'application du régime actuel enfreignaient le principe d'égalité de traitement. Par exemple, en 2012, ces entreprises ont bénéficié de près de 40 milliards d'euros d'exonérations fiscales alors que les droits de succession n'ont rapporté que 4,3 milliards d'euros en tout à l'Etat.
Toutefois, dans un jugement nuancé, les juges ont souligné qu'il était légitime d'accorder aux entreprises familiales un certain degré de protection vis-à-vis des droits de succession.
"Le tribunal considère qu'il est globalement justifié que les parlementaires offrent une certaine protection aux entreprises familiales lorsqu'elles sont transmises à la génération suivante afin que leur avenir ne soit pas menacé par des considérations fiscales", a dit Ferdinand Kirchhof.
Ce jugement fait suite à une plainte de la Cour fédérale des finances, qui conteste une loi de 2009 autorisant le transfert des entreprises familiales d'une génération à une autre sans droits de succession pour autant que l'héritier conserve l'entreprise pendant au moins sept ans et qu'il préserve l'emploi.
Environ 90% des entreprises allemandes ont une structure familiale. Elles emploient plus de la moitié de la population active et représentent la moitié du PIB. Bon nombre d'entre elles avaient dit qu'elles risquaient de réduire leurs plans d'investissement et leurs effectifs si la Cour décidait de supprimer cet avantageux régime fiscal.
Le vice-ministre des Finances a déclaré mercredi que Berlin étudierait ce jugement, puis prendrait sa décision concernant une éventuelle révision de la loi.
"La Cour constitutionnelle considère qu'un traitement fiscal favorable pour les entreprises héritées est bien conforme à la Constitution dans son principe puisqu'il sauvegarde des emplois et elle ne rejette que certains aspects de la législation actuelle", dit le secrétaire d'Etat aux Finances Michael Meister, dans un communiqué.
Le ministère ajoute que le gouvernement allemand reste déterminé à maintenir un traitement favorable pour les sociétés transmises en héritage, tout en restant conforme à la Constitution.
(Norbert Demuth et Michelle Martin, Juliette Rouillon pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat)