Pourquoi y a-t-il une crise des prix du lait au niveau mondial ? Pourquoi les éleveurs français manifestent-ils contre Lactalis ? Quelles solutions peut-on trouver pour sortir de cette crise ?
Question - Pourquoi y a-t-il une crise dans le secteur laitier ?
Réponse - La fin en avril 2015 des quotas laitiers imposés aux pays européens a vu la production augmenter fortement dans tous les pays producteurs, voire exploser pour certains comme les Pays-Bas, le Danemark et l'Irlande. Mais au même moment la consommation ralentissait fortement dans le monde avec la baisse de la demande en Chine et l'embargo russe sur les produits agro-alimentaires. La surproduction s'est installée et les cours mondiaux ont chuté.
Selon l'organisme FranceAgriMer, le prix du lait en France avait atteint une moyenne de 365,4 euros les 1.000 litres en 2014 pour chuter à 309,1 euros en 2015, soit en dessous des coûts de production pour certains éleveurs. La crise s'est encore aggravée en 2016.
Q - Pourquoi les éleveurs français manifestent-ils contre Lactalis ?
R - Selon les chiffres de la Commission européenne pour juillet 2016, à 277 euros la tonne, le prix moyen d'achat du lait en France est l'un des plus élevés d'Europe. Cependant cette moyenne cache de grandes disparités, et selon les chiffres relevés par la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL), le géant mondial Lactalis est l'entreprise qui rémunère le plus mal ses éleveurs, par rapport à ses concurrentes.
A 256,9 euros la tonne en juillet, Lactalis se retrouve loin derrière le groupe Laïta et la société Silav (290 euros la tonne) ou encore la laiterie Saint-Père, filiale d'Intermarché, qui rémunère les éleveurs 300 euros les 1.000 litres.
Un producteur sur cinq en France travaille pour Lactalis soit 20% de la collecte française et 5 milliards de litres de lait collectés pour 25 milliards de lait produits annuellement en France.
Les agriculteurs de l'Ouest qui font le siège devant l'usine de Lactalis à Laval se disent donc "déterminés" à retrouver "des conditions économiques dignes". Le risque étant de voir les exploitations les plus fragiles mettre la clé sous la porte.
Q - Quelles solutions pour sortir de la crise ?
R - Le gouvernement a lancé en 2015 un plan de soutien à l'élevage, comprenant des mesures conjoncturelles et structurelles pour un montant total de 700 millions d'euros auxquels s'est ajoutée une baisse des charges de plus de 700 millions d'euros sur les cotisations personnelles des agriculteurs entre 2014 et 2016.
Par ailleurs, Bruxelles a annoncé en juillet une nouvelle enveloppe d'aide de 500 millions, censée inciter les éleveurs à réduire leur production, notamment en Europe du Nord. Mais les syndicats français restent sceptiques sur son efficacité.
Au niveau français, le gouvernement comme les syndicats agricoles poussent à une réorganisation de la filière. la FNSEA travaille par exemple sur un plan de "refinancement" des exploitations pour proposer aux agriculteurs des conditions de taux et de durée d'emprunts compatibles avec leur rentabilité.
Selon le service statistique du ministère de l'Agriculture, l'endettement des exploitations agricoles moyennes et grandes s'élevait en 2013 à 181.100 euros en moyenne. Les agriculteurs les plus endettés sont généralement les éleveurs, ce qui les rend particulièrement fragiles face à une chute des prix de leur production.
Une porte de sortie possible pour les éleveurs est de tenter de monter en gamme pour trouver de nouvelles niches de consommation. Ainsi, en 2015 plus de 500 élevages de bovins allaitants se sont convertis à l'agriculture biologique.
Mais, outre que ces conversions demandent aussi d'importants investissements, il n'y aurait pas de débouchés suffisants si les élevages français passaient en masse au bio.
Q - Quelles sont les perspectives d'avenir pour le marché ?
R - "La réduction des volumes de production en Europe, cumulée à une meilleure demande à court terme de la part de la Chine, devrait permette aux prix de rebondir. Dans ce contexte de tensions en France, ces informations devraient apporter un peu d'optimisme", assurait mardi le cabinet Agritel dans une note.
Cependant, une amélioration de la conjoncture ne pourra pas effacer un problème récurrent des élevages français: le manque de compétitivité, face à leurs voisins allemands ou néerlandais par exemple. La FNSEA estime que la cause principale en est la fiscalité appliquée aux agriculteurs ainsi qu'une "surtransposition" des normes et des directives européennes notamment en matière environnementale.