Si la Suisse a plébiscité dimanche l'encadrement des rémunérations des dirigeants, le gouvernement français de son côté planche depuis plusieurs mois sur un projet de loi comparable sachant que plusieurs garde-fous existent déjà en France.
C'est "une excellente expérience démocratique où les Suisses montrent la voie et, personnellement, je pense qu'il faut s'en inspirer", a déclaré lundi à Matignon le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, à la sortie d'un séminaire sur l'emploi à l'Elysée.
"C'est une décision forte avec un vote populaire très majoritaire: ça conforte tous ceux qui souhaitaient avancer sur ce type de sujet, dont le gouvernement", a affirmé une source gouvernementale à l'AFP.
Les Suisses ont largement plébiscité dimanche l'initiative limitant les "rémunérations abusives" des patrons des sociétés cotées ou à l'étranger, en les soumettant au vote des actionnaires. Le projet suisse prévoit en outre l'interdiction des parachutes dorés, ces indemnités de départ de patrons ayant souvent défrayé la chronique dans la Confédération mais aussi en Europe et aux États-Unis.
En France, après le décret plafonnant les rémunérations des patrons d'entreprises publiques cet été, le gouvernement s'était attelé à une réforme de l'encadrement des rémunérations, secondé en cela par la Commission européenne qui a annoncé une directive à venir.
Pour l'instant, "il n'y a pas de texte prêt" mais "des questions qui font l'objet de discussions", assure la même source.
Parmi elles, la réforme phare consisterait à soumettre à l'assemblée générale des actionnaires l'ensemble de la rémunération du ou des dirigeants d'une grande entreprise cotée. Le code des organisations patronales Afep/Medef de gouvernance des entreprises auquel se conforment l'immense majorité d'entre elles prévoit actuellement que les salaires fixes et variables soient décidés par le seul conseil d'administration, lui-même élu par les actionnaires.
A la différence de la Suisse, le gouvernement pourrait décider que cet avis de l'assemblée générale ne soit que consultatif. Mais selon Bruno Fourage, analyste chez Mercer, l'impact sera le même. Quand une assemblée générale "vote contre, il est rarissime que les dirigeants au Conseil passent outre", affirme-t-il à l'AFP.
administrateur indépendant
En France, l'attribution de stock-options, d'actions gratuites, de retraites dites chapeau (supplémentaires, payées par l'entreprise), ou d'indemnités d'arrivée ou de départ sont déjà soumises à l'avis des actionnaires.
Les parachutes dorés, qui ont été dimanche complètement interdits en Suisse, sont également déjà réglementés en France. Le code Afep-Medef les plafonnent à deux ans de rémunération maximum lorsque le chef d'entreprise est contraint à partir. S'il quitte son poste parce que l'herbe est plus verte ailleurs, ils sont interdits.
Autre piste à l'étude au gouvernement, la nomination d'un administrateur indépendant à la tête du comité des rémunérations de l'entreprise.
"Je serais Bercy, je me dirais, +ce qu'ont fait les Suisses, c'est mineur parce que nous, ce qu'on est en train de préparer, c'est plus complet+", a commenté Bruno Fourage.
Le gouvernement réfléchit enfin sur la question des retraites chapeau, qui ne bénéficient pas qu'aux dirigeants mais à un ensemble d'exécutifs, et envisagent de les plafonner. A l'heure actuelle, la seule contrainte est que leur bénéficiaire puisse témoigner d'une ancienneté suffisante dans l'entreprise.
Idéalement, reconnaît-on, le gouvernement souhaiterait "avoir une démarche volontaire des entreprises, éventuellement sanctuarisée ensuite dans un texte législatif". Mais "il faut voir si c'est faisable et compatible avec la volonté d'avancer relativement vite".
Pas sûr en effet que l'AFEP et le Medef soient prêts à revoir leur code s'ils n'y sont pas contraints. D'autant plus que la campagne pour la présidence de la principale organisation patronale française est ouverte et la question des rémunérations sensible.