L'offre hostile de l'américain Kraft Foods sur le confiseur Cadbury a viré à l'imbroglio mardi, Kraft parvenant à priver le britannique de son chevalier blanc potentiel Nestlé, avant de voir ses ambitions ralenties par son propre premier actionnaire Warren Buffett.
Depuis la première avance de Kraft à Cadbury, début septembre, les analystes estimaient que le suisse Nestlé ne resterait pas inerte.
Les spéculations sont reparties lundi, quand Nestlé a vendu pour 28,1 milliards de dollars au groupe pharmaceutique suisse Novartis ses 52% du numéro un mondial des produits ophtalmologiques Alcon. Mais Nestlé a mis les choses au point mardi, en annonçant "qu'il n'avait pas l'intention de faire une offre ou de participer à une offre pour Cadbury".
Le Suisse s'est montré d'autant moins agressif avec l'américain qu'il lui a acheté, pour 3,7 milliards de dollars, son activité de pizzas surgelées aux Etats-Unis et au Canada. Pour le cabinet Investec, "Kraft a acheté le silence de Nestlé" avec cette opération.
Kraft Foods a annoncé qu'il allait consacrer le produit net de cette vente à améliorer la composition de son offre pour Cadbury. Celle-ci avait été formulée à 3 livres (3,3 euros) et 0,2589 action Kraft, ce qui représentait 7,38 livres par action à la clôture de lundi soir, et valorisait Cadbury à 10,1 milliards de livres, soit un peu plus de 11 milliards d'euros.
Kraft va proposer désormais 3,6 livres en numéraire au lieu de 3 et ajuster le volume d'actions à la baisse en conséquence. L'américain a indiqué qu'il donnerait tous les détails le 19 janvier, dernier jour pour le possible relèvement de son offre, dont il a repoussé la date d'expiration au 2 février.
Kraft a expliqué qu'il relevait la part en numéraire "en raison du souhait exprimé par certains porteurs de titres de Cadbury", mais aussi parce que "les actionnaires de Kraft Foods ont exprimé le désir que celui-ci soit plus économe dans l'utilisation d'actions (actuellement) sous-évaluées, en guise de monnaie pour cette offre".
L'identité d'au moins un de ces actionnaires de Kraft a été spectaculairement dévoilée un peu plus tard avec un communiqué de la compagnie Berkshire Hathaway du milliardaire américain Warren Buffett, principale actionnaire de Kraft avec 9,4%.
La holding a voté "non" à une augmentation de capital projetée par Kraft pour financer l'achat de Cadbury, pour ne pas donner "un chèque en blanc" à Kraft dans cette transaction.
Le communiqué de Berkshire Hathaway explique qu'à "27 dollars actuellement, cela coûte cher d'utiliser l'action de Kraft pour l'acquisition de Cadbury", rappelant que le titre de Kraft valait encore 33 dollars en 2007. Elle n'a pas exclu cependant de voter "oui" si en fin de compte elle estimait que "l'offre ne détruit pas de valeur pour les actionnaires".
Kraft s'est empressé d'assurer qu'il entendait rester "discipliné" dans le rachat de Cadbury, et que ses actionnaires seraient en mesure de prendre des décisions "informées".
De son côté, Cadbury s'est senti plus que jamais conforté dans son rejet de l'offre de Kraft, qui, selon lui, "reste dérisoire, avec moins de la moitié du prix exprimée en numéraire".
Quand à l'affaire Warren Buffett, elle illustre "la faiblesse de la direction" de Kraft, dont l'offre est "limitée par ses puissants actionnaires qui restreignent la part en actions, et par les agences de notation", qui l'empêchent d'augmenter la part en numéraire, a estimé le président de Cadbury, Roger Carr.
Cependant, la perte de son principal chevalier blanc -- deux autres groupes intéressés, l'américain Hershey et l'italien Ferrero, ne sont pas en mesure de l'acheter seuls -- et la crainte que l'offre de Kraft échoue complètement, ont pesé sur la valeur de Cadbury. Le groupe a perdu mardi 3,23% à 779 pence, à la Bourse de Londres, ce qui le valorisait à 10,71 milliards de livres.