La pénurie de carburant, qui force les distributeurs à importer davantage d'essence et de gazole, fait craindre une hausse des prix à la pompe, malgré les contrôles que le gouvernement a décidé de mettre en place pour contrer une valse des étiquettes.
Déjà, les prix des carburants ont légèrement augmenté la semaine dernière alors que grèves dans les raffineries et les blocages de dépôts pétroliers se multipliaient en France.
Le litre de gazole, carburant le plus consommé, a atteint le prix de 1,1692 euro par litre vendredi, son plus haut niveau depuis trois mois et demi.
"Quand 12 raffineries françaises ne produisent plus, il y a une tension européenne sur le gazole, qui est le principal produit utilisé. Et bien évidemment, les prix s'en ressentent", souligne Alexandre de Benoist délégué général de l'Union des importateurs indépendants pétroliers (UIP).
"C'est l'inverse qui serait curieux", ajoute-t-il.
L'impact des mouvements sociaux reste cependant difficile à isoler, alors que la remontée des cours du pétrole brut pousse elle aussi les prix de l'essence à la hausse. Le baril valait environ 84 dollars mardi, contre quelque 75 dollars il y a un mois.
Notant une "légère pression sur le prix de l'essence" sur les marchés de gros, Guy Maisonnier, économiste à l'Institut français du pétrole (IFP) exclut cependant un impact "important et durable". "Il faudrait que ça dure plusieurs semaines pour que ça déstabilise le marché, estime-t-il.
Le déficit de production créé par l'arrêt des 12 raffineries françaises peut être compensé par une montée en régime de leurs homologues européennes, qui ne fonctionnent pas à pleine cadence, selon plusieurs analystes.
L'Union européenne compte 98 raffineries au total, dont plusieurs sont menacées de fermeture en raison de la baisse de la consommation d'or noir en Europe.
Dans ce contexte calamiteux pour le secteur, "les grèves en France (...) poussent les marges de raffinage à la hausse" qui ont atteint "leur plus haut niveau depuis quatre mois", estiment ainsi les analystes de la banque Barclays Capital dans une note publiée mardi.
Le recours accru aux importations entraîne par ailleurs une hausse des coûts de transports pour les distributeurs. A cela s'ajoutent les frais engendrés par les blocages de dépôts pétroliers, qui contraignent les camions-citernes à aller chercher du carburant plus loin que d'habitude.
En fin de semaine dernière, le groupe pétrolier Total devait ainsi approvisionner la presqu'île de Guérande (Loire-Atlantique) à partir de son dépôt de Rennes (Ille-et-Vilaine) à 140 km de là, en raison du blocage de la raffinerie de Donges distante de seulement 30 km.
"Sur le plan logistique, nos coûts explosent", affirme Alexandre de Benoist.
La hausse des prix du carburant dans le nord-ouest de l'Europe atteint d'ores et déjà "2 à 3 centimes par litre" et sert à "couvrir les frais de transports", estime aussi Aad van Bohemen, chef de la division des politiques d'urgence à l'Agence internationale de l'Energie (AIE).
Face à cette tension sur le marché, la ministre de l'Economie Christine Lagarde a demandé lundi à la répression des fraudes (DGCCRF) de réaliser des contrôles pour prévenir des hausses injustifiées.
"Il ne faut pas que les pompistes s'amusent, sous prétexte qu'il y a une perception de rareté, à augmenter les prix", a-t-elle déclaré, promettant que les abus "seront sanctionnés".
Ces déclarations n'ont pas plu aux distributeurs. "Nous avons été blessés par certains propos", a réagi M. de Benoist. "Nous mettons tout en oeuvre pour augmenter notre courant d'importation, alors qu'on ne nous nous accuse pas d'augmenter les prix, parce que ça a un coût", a-t-il ajouté.