par Sarah Young
LONDRES (Reuters) - Le groupe d'ingénierie britannique GKN (LON:GKN), objet d'une offre hostile de la part du spécialiste du redressement d'entreprise Melrose, a obtenu jeudi un argument de poids pour sa défense lorsqu'Airbus (PA:AIR) a dit ne pas pouvoir garantir de nouvelles commandes à une entreprise dotée d'une vision court-termiste.
Melrose a relevé lundi son offre sur GKN à 8,1 milliards de livres (9,1 milliards d'euros), mais le conseil d'administration de GKN l'a rejetée, la jugeant trop basse.
Dans une intervention inhabituellement ferme dans ce genre de dossier en cours, Airbus a déclaré qu'il jugerait "pratiquement impossible" de passer de nouvelles commandes à GKN s'il ne connaissait pas son actionnaire à long terme.
La principale préoccupation d'Airbus porte sur un engagement à long terme en matière de recherche et de développement, a précisé Tom Williams, directeur général adjoint de l'avionneur européen.
"Le secteur ne se prête pas à un investissement financier de court terme qui réduit naturellement les budgets de R&D (recherche et développement) et limite l'innovation vitale", a-t-il écrit dans un communiqué envoyé à Reuters.
"Il serait pratiquement impossible pour nous de donner de nouvelles tâches, quelles qu'elles soient, à GKN dans le cadre d'un tel modèle de propriété qui ne nous permettrait pas de savoir qui sera l'investisseur de long terme."
Si les avionneurs ne peuvent pas officiellement bloquer un rapprochement entre fournisseurs, ils disposent d'importants moyens de pression grâce à leur pouvoir de négociation et à la possibilité, parfois, de changer les clauses de contrats en cours, indiquent des sources du secteur.
INCERTITUDE
Pour repousser l'offre hostile de Melrose, GKN a signé la semaine dernière un accord de 6,1 milliards de dollars (4,96 milliards d'euros) pour fusionner sa division automobile avec le groupe américain Dana.
GKN a également prévu de céder sa division de métallurgie des poudres et d'utiliser le produit de cette vente, l'opération avec Dana et d'autres cessions d'actifs non essentiels, pour reverser aux investisseurs environ 2,5 milliards de livres sur les trois prochaines années.
"Comme nous l'avons déjà dit, et à la lumière des commentaires d'Airbus qui renforcent nos propos, il serait plus difficile de conquérir de nouveaux marchés si les clients ne sont pas certains de l'identité de leurs futurs partenaires à long terme", a déclaré jeudi Mike Turner, président de GKN.
Le modèle de Melrose consiste généralement à démanteler les sociétés après avoir amélioré leur performance mais il affirme qu'il n'est pas un investisseur court-termiste.
Le président de Melrose, Christopher Miller, a déclaré que son approche consistait à "investir comme si nous devions posséder l'entreprise pour toujours".
"Sous le contrôle de Melrose, les actionnaires et les clients pourront jouir d'un processus réfléchi et de plus long terme de création de valeur, d'investissement et d'amélioration des conditions d'exploitation", a-t-il dit, cité dans un communiqué envoyé par courriel.
Dans une communication distincte, Melrose a déjà fait savoir aux parlementaires britanniques qu'il comptait maintenir les investissements en recherche et développement au moins aux niveaux réalisés par GKN entre 2014 et 2016.
L'action GKN recule de près de 2% vers 15h10 GMT à la Bourse de Londres, tandis que le titre Melrose avance de près de 1%. L'indice FTSE 100 gagne 0,23% au même moment.
(Sarah Young, Juliette Rouillon et Claude Chendjou pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat et Bertrand Boucey)