Les économistes le redoutent: l'incertitude politique dans laquelle l'Australie est plongée depuis les législatives est une mauvaise nouvelle pour l'économie et les marchés, qui risque de lui coûter sa précieuse note AAA.
L'issue du scrutin ne sera pas connue avant des jours, voire des semaines alors que plane le spectre d'un Parlement sans majorité tranchée. Des millions de votes par correspondance ou par procuration doivent encore être comptabilisés et vérifiés.
Le Premier ministre conservateur sortant Malcolm Turnbull, qui voulait renforcer son assise face à l'opposition travailliste en convoquant des élections anticipées, a perdu son pari.
Il voulait aussi légitimer le putsch interne à son Parti libéral qui lui avait permis d'évincer en septembre Tony Abbott, dont il était ministre.
Cette incertitude politique s'ajoute aux préoccupations générales des marchés face au vote du Royaume-Uni pour sortir de l'Union européenne et la course à la présidentielle aux Etats-Unis.
L'indice de référence de la Bourse australienne, l'ASX/200, a ouvert en légère baisse lundi tandis que le dollar australien cédait 0,4% à 74,66 cents américains.
Selon l'Australian Broadcasting Corporation, la coalition conservatrice sortante et l'opposition ont obtenu chacune 67 sièges --la majorité absolue est à 76--, les Verts un siège tandis que quatre sont allés à des candidats indépendants.
Onze sièges restent à attribuer. Si aucune majorité claire ne se dégage, tout gouvernement devra traiter avec des élus minoritaires, lesquels sont rarement de bonne composition. Un scénario similaire est envisagé au Sénat, ce qui laisse présager d'éventuels blocages de projets et de réformes.
D'après les économistes, une telle situation pourrait nuire aux efforts des pouvoirs publics pour limiter la dette, réduire les déficits en même temps qu'elle porterait porter atteinte à la confiance, ce qui serait mauvais pour l'économie.
"Même si la coalition l'emporte, elle n'aura pas le contrôle du Sénat. Les Verts et les partis minoritaires seront maîtres du rapport de forces, ce qui limitera grandement le champ d'action du gouvernement", souligne Shane Oliver, économiste respecté d'AMP Capital.
- Paralysie -
"Résultat, les perspectives de voir les dépenses publiques et le déficit budgétaire revenir sous contrôle dans les trois prochaines années sont faibles, de même que de voir le gouvernement mettre en oeuvre son projet de réduire l'impôt sur les sociétés, sans parler d'entreprendre des réformes de fond pour augmenter la productivité".
L'Australie figure parmi le club très restreint des pays dotés par les trois principales agences de notation de la note de la dette souveraine AAA --la meilleure-- qui permet d'emprunter à des taux avantageux sur les marchés. Elle le doit au fait d'avoir évité toute récession durant la crise financière internationale de 2008 grâce en particulier à ses considérables ressources minières.
Les agences doivent encore digérer le vote de samedi mais selon M. Oliver, l'incertitude politique n'est jamais une bonne nouvelle.
"Quel que soit le vainqueur, le risque d'une dégradation de la note de la dette a augmenté", dit-il.
Même son de cloche chez Saul Eslake, économiste indépendant.
"Je ne sais pas si l'une des agences va officiellement dégrader la note de l'Australie, ou la placer sous surveillance avec perspective négative, mais je ne serais pas surpris que l'une d'elles au moins le fasse", a-t-il déclaré à l'Australian Financial Review.
Une dégradation ferait écho à ce qui est arrivé à Londres après le référendum du 23 juin.
Annette Beacher, analyste chez TD Securities, explique qu'historiquement, les Parlements sans majorité ne sont jamais synonymes de bonne gouvernance et de réformes. "Le risque de perdre la note AAA et la perspective +stable+ n'est pas négligeable".
"Il existe un risque significatif que l'Australie vive trois nouvelles années de paralysie budgétaire", ce qui ferait de la banque centrale du pays "la seule autorité publique dotée des outils pour gérer l'économie", ajoute-t-elle.
La banque centrale australienne tient mardi sa réunion mensuelle sur les taux d'intérêts. Ceux-ci sont déjà à un plus bas historique de 1,75% et la plupart des économistes ne s'attendent pas à une nouvelle réduction dans l'immédiat. En revanche, estiment-ils, une baisse à 1,5% est possible en cas d'inflation faible.