par Martinne Geller
COGNAC (Reuters) - Nouveaux produits, nouvelles campagnes promotionnelles, nouvelles cibles. Face au ralentissement chinois, les maisons de cognac redoublent d'efforts sur le marché américain pour tenter de gagner de nouvelles parts de marché au-delà de la communauté afro-américaine, déjà largement conquise.
Les quatre grands producteurs - LVMH (Hennessy), Rémy Cointreau (Rémy Martin), Pernod Ricard (PA:PERP) (Martell) et Beam Suntory (Courvoisier) - se sont tournés vers les marchés occidentaux après la vaste campagne anticorruption de Pékin, qui a lourdement pesé sur leurs ventes après une décennie flamboyante.
Si, en France, le cognac conserve son image de digestif dégusté au coin du feu, il bénéficie aux Etats-Unis d'une image beaucoup plus jeune et urbaine, fruit d'années de marketing et de campagnes publicitaires visant avant tout la communauté afro-américaine.
Celle-ci a représenté à elle seule jusqu'à 60% à 70% de la consommation du marché américain, le premier du monde, selon des dirigeants du secteur et des analystes.
Désormais, la Chine ne jouant plus le rôle de moteur de la croissance, les maisons de cognac cherchent à séduire de nouvelles catégories de consommateurs.
"Nous ne voulons pas que le cognac soit réservé à une seule catégorie", explique Augustin Depardon, directeur exécutif de Rémy Martin. Une nouvelle campagne publicitaire de la marque dans laquelle figure l'acteur hollywoodien Jeremy Renner vise ainsi une audience plus large.
LE COGNAC NE PÈSE QUE 2% DU MARCHÉ AMÉRICAIN
Hennessy, Rémy Martin, Martell et Courvoisier produisent 85% du cognac et la concurrence qui les oppose est plus vive que jamais sur un marché où les alcools bruns comme le bourbon et le rhum ont le vent en poupe.
"Beaucoup de nos concurrents dans le cognac sont devenus plus offensifs aux Etats-Unis, ils investissent dans des campagnes médias à une échelle jamais vue auparavant", note Jean-Baptiste Rivail, directeur du développement de Hennessy pour la zone Amériques.
Martell cherche ainsi à augmenter sa part de marché aux Etats-Unis, qui n'est que de 2%. "Ce sera notre priorité numéro un", dit Christophe Pienkowski, ambassadeur de la marque.
Avec son nouveau cognac, "Caractère", il espère séduire les consommateurs de whisky latino-américains, soutenu par une campagne avec The Roots, un groupe de hip-hop désormais associé au "Tonight Show" de l'animateur Jimmy Fallon.
Les ventes de cognac ont atteint 4,1 millions de caisses de neuf litres aux Etats-Unis en 2014, soit 11,9% de plus qu'en 2013, selon le Distilled Spirits Council of the United States.
Le cognac est ainsi devenu le segment le plus dynamique d'un marché américain des spiritueux en hausse de 2,2% seulement, et sa croissance pourrait être plus forte encore cette année, estime l'économiste de la fédération professionnelle.
Le cabinet d'études Euromonitor prévoit quant à lui un chiffre d'affaires 2015 de 5,2 milliards de dollars pour le cognac aux Etats-Unis, en hausse de 9%. Cette croissance permettrait au marché américain de dépasser la Chine, où les ventes pourraient avoir chuté de 36% en valeur par rapport à leur sommet de 7,8 milliards atteint en 2012.
COCKTAILS
Les producteurs de cognac tentent aussi de surfer sur le regain de popularité des cocktails, un mode de consommation qui peut constituer un bon point d'entrée et dans lequel le cognac est moins présent que d'autres alcools forts, tels le bourbon, la tequila ou le gin.
Hennessy a ainsi lancé "Hennessy Black", qu'il présente comme mieux adapté à l'élaboration de cocktails.
"Le cognac semble, de mon point de vue, avoir une place légitime dans la mode des cocktails qui n'a pas été complètement exploitée", juge Stephen Rannekleiv, analyste chez Rabobank. "Il y a là une opportunité de continuer à percer dans une catégorie démographique où ils n'ont habituellement pas une forte présence."
Selon les données Nielsen, sur une période récente de 30 jours, les consommateurs adultes blancs ont représenté 27% de la consommation de cognac aux Etats-Unis alors qu'ils constituent 66% de la population adulte. La communauté noire a elle représenté 40% de la consommation, pour 11,2% de la population.
(Marc Angrand pour le service français, édité par Bertrand Boucey)