En Chine, la lutte contre la pollution industrielle dope les ambitions de Veolia et Suez

Publié le 28/05/2016 18:18
Les gratte-ciels de Shanghai au milieu du smog, le 28 mars 2016 (Photo JOHANNES EISELE. AFP)

Les gratte-ciels de Shanghai au milieu du smog, le 28 mars 2016 (Photo JOHANNES EISELE. AFP)

Dans sa guerre contre la pollution, la Chine durcit les contraintes environnementales pesant sur les industriels, principaux producteurs de déchets et de substances toxiques, renforçant l'appétit des spécialistes du traitement de l'eau et des déchets, notamment les géants mondiaux Veolia et Suez.

L'enjeu des pollutions chimiques a été particulièrement mis en évidence après l'explosion meurtrière d'un entrepôt de produits chimiques dans le port de Tianjin, en août 2015.

Grâce à son centre de traitement de déchets dangereux situé à une trentaine de kilomètres, Veolia a pu prendre en charge l'eau contaminée utilisée pour éteindre le feu.

"Si cette eau contaminée avec du cyanure (...) n'avait pas été traitée correctement, elle aurait pu causer des dégâts sur l'environnement et le voisinage", se félicite neuf mois plus tard Ling Caï, la directrice du site.

Plus globalement, la Chine, usine du monde, est le premier producteur de déchets solides industriels de la planète, avec quelque 3 milliards de tonnes générées en 2014, et plusieurs millions de tonnes de déchets toxiques.

Or, 30% des eaux usées industrielles sont rejetées telles quelles dans l'environnement, selon les chiffres du gouvernement chinois, qui a lancé l'an dernier un plan d'action contre la pollution de l'eau.

Alors qu'ils ont tous les deux faits des clients industriels une de leur priorité stratégique à moyen terme, Veolia et Suez ont trouvé en Chine un marché et un segment à haute valeur ajoutée, à la dimension de leur ambition et de leur rivalité.

"Nous visons un doublement de notre chiffre d'affaires consolidé d'ici 2018" en Chine, dont "un tiers sera dans l'eau industrielle et un tiers dans les déchets toxiques", a ainsi affirmé le PDG de Veolia Antoine Frérot, en déplacement cette semaine dans le pays.

L'an dernier le groupe y a réalisé un chiffre d'affaires consolidé de 600 millions d'euros (dont Hong Kong) et de 1,3 milliards d'euros au prorata des participations de Veolia dans les co-entreprises où il est présent.

Pour les marchés industriels, il possède 6 sites d'incinération de déchets toxiques et quatre en construction.

Le groupe vise "25% à terme de parts de marché" sur ce segment, selon Régis Calmels, son président pour l'Asie.

De son côté Suez exploite l'incinérateur de déchets dangereux du parc industriel pétrochimique de Shanghai (SCIP) et est en train de construire une autre unité à Nantong (province de Jiangsu).

Mais le Français a surtout percé dans la gestion de l'eau pour les grands complexes industriels spécialisés répartis sur le territoire.

Outre le SCIP, dans l'escarcelle de Suez depuis 2002, le groupe intervient sur dix autres complexes industriels, qui trouvent ainsi un moyen de mutualiser les actions de limitation des pollutions.

- Bientôt les sols -

Fort de cette position, Suez prévoit une croissance de l'ensemble de ses activités en Chine "au moins égale à la croissance de la Chine", indique à l'AFP Jean-Louis Chaussade, son directeur général, soit une progression d'environ 6,5% par an, selon les prévisions chinoises.

L'an dernier, son chiffre d'affaires géré (comprenant l'activité de l'ensemble des co-entreprises où Suez est présent) a atteint "environ 1 milliard d'euros", précise-t-il.

Mais les deux géants du secteur doivent compter avec la montée en puissance des groupes locaux issus des grandes municipalités comme Beijing Water Enterprises, Beijing Capital ou Shanghai Industrial Investment.

L'atout des deux Français est toutefois leur "savoir-faire, non seulement technologique mais aussi dans l'opération des sites" qui leur réserve les segments "pointus, à plus haute valeur ajoutée" comme les déchets dangereux, explique Arnaud Bisshop, gérant du fonds d'investissement spécialisé Pictet-Water.

D'autant qu'"il n'y a pas beaucoup de concurrents internationaux, hormis quelques sociétés singapouriennes comme Hyflux ou Sembcorp", ajoute-t-il.

Après l'eau, Pékin doit annoncer prochainement un plan dédié à la pollution des sols alors que près de 20% des terres cultivables sont contaminées par les rejets polluants des industriels, selon le ministère de l'environnement.

Une situation qui pousse régulièrement au soulèvement les populations aux voisinages de certaines usines.

C'est donc un nouveau marché qui s'ouvre. Veolia, avec sa filiale spécialisée GRS Valtech, s'y intéresse. Et Suez a créé début 2015 une coentreprise dédiée avec trois partenaires publics de la ville de Chongqing (Sichuan).

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