L'un des pays les plus pauvres d'Asie, le minuscule Timor oriental, qui élit samedi son président, base tous ses espoirs de développement sur ses ressources en hydrocarbures, mais le pari pourrait être risqué.
"Je suis ravi d'annoncer que le Fonds du pétrole a atteint pour la première fois les 10 milliards de dollars" (7,6 milliards d'euros), a fièrement déclaré à l'AFP Gualdino da Silva, président des Autorités nationales du pétrole (ANP).
Peu de pays claironneraient ce genre de montant, somme toute assez modeste. Mais pour ce confetti d'Asie du Sud-Est qu'est le Timor oriental, la manne est une véritable bouée de sauvetage.
Situé au nord de l'Australie et à l'extrême est de l'archipel indonésien, le Timor ne couvre que la moitié d'une petite île. Comme ressources, il ne peut guère compter que sur le bois de santal et le café, à tel point que beaucoup se demandaient, lors de l'indépendance en 2002, si l'ancienne colonie portugaise d'1,1 million d'habitants était tout simplement viable.
Le Fonds pétrolier, créé en 2005, apportera 1,6 milliard de dollars à l'Etat, couvrant 90% de ses dépenses. Le pays est ainsi "l'économie au monde la plus dépendante des hydrocabures", a récemment souligné le Fonds monétaire international.
Pourtant, dans les rues de la capitale Dili, l'argent de l'or noir est difficile à percevoir. Des enfants nus comme des vers jouent au milieu des chiens et des cochons errants dans des artères souvent plus boueuses que bitumées. Des canaux bourbeux, qui débordent à chaque pluie de mousson, coupent en deux des bidonvilles de taudis aux toits en tôle ondulée rouillée.
L'infrastructure est quasi-inexistante, mis à part un port et un aéroport minuscule qui ne compte qu'un seul carrousel à bagages. En l'absence de toute monnaie locale, c'est le dollar américain qui règne en maître.
Près de la moitié de la population vit sous le seuil international de pauvreté et près de 20% sont au chômage. La guérilla contre la puissance coloniale portugaise, qui s'est retirée en 1975, puis le conflit provoqué par l'invasion indonésienne (1975-1999) ont mis le pays à genoux.
Depuis son indépendance en 2002, le Timor tente de se relever. Samedi, il organise sa deuxième élection présidentielle en tant que pays libre, avant des législatives en juin. L'utilisation du Fonds pétrolier est au coeur des débats, certains pointant du doigt une trop grande dépendance des hydrocarbures.
"Faire du pétrole et du gaz la majeure partie de l'économie est une erreur, car 80% de la population vit de l'agriculture, parce que cela ne crée pas beaucoup d'emplois et parce qu'il n'y pas tant d'hydrocabures que cela", souligne Charles Scheiner, de l'ONG "La'o Hamutuk" ("Marchons main dans la main" en tetum, langue vernaculaire timoraise).
Le gisement d'hydrocarbures, souvent qualifié de "riche", doit encore prouver qu'il peut subvenir aux besoins du Timor à long terme. Actuellement, le Fonds pétrolier est majoritairement alimenté par le projet "Bayu-Undan", opéré par l'américain ConocoPhillips et situé dans la mer de Timor qui sépare le petit pays de l'Australie.
D'autres champs sont en cours d'exploitation ou d'exploration et en particulier le Greater Sunrise, sur lequel le Timor fonde de nombreux espoirs. Mais les profits de ce gisement doivent être partagés à moitié avec le puissant voisin australien: la part timoraise n'est donc que d'environ 20 milliards de dollars sur les 40 ans à venir.
Si l'on additionne l'ensemble des gisements, la manne est limitée à 50 milliards de dollars sur la même période, estime M. Scheiner.
"C'est environ 1,88 dollar par jour et pour chaque Timorais. C'est un Etat pétrolier sans beaucoup de pétrole", ironise-t-il.