Un budget d'austérité se dessinait vendredi matin pour l'Europe, les pays exigeant des coupes sévères dans les dépenses comme le Royaume-Uni semblant en voie d'imposer leurs vues aux défenseurs d'un cadre plus ambitieux comme la France et l'Italie.
Après plus de 15 heures de débats, rencontres bilatérales, apartés ou conciliabules, le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, a présenté une nouvelle proposition de compromis en soulignant qu'il visait "un accord" des chefs d'Etat et de gouvernement.
Dans ce projet, le montant des crédits d’engagement, qui correspondent au plafond autorisé, est de 960 milliards d'euros, et celui des crédits de paiement, soit les dépenses effectives pour les sept prochaines années, de 908,4 milliards d'euros, avec la possibilité d'une marge de manœuvre de 12 milliards.
De sources européennes, on souligne que cela correspond à une baisse de 3% du budget pluriannuel 2014-2020 par rapport aux sept années précédentes. C'est la première fois dans l'histoire de l'Union européenne que le budget est en baisse.
"Un compromis s'esquisse peu à peu. Il semble désormais possible mais ce n'est pas encore" fait, a confié une source française.
Herman Van Rompuy voulait initialement proposer des engagements à 960 milliards d'euros et des crédits de paiement à 913 milliards. Mais face à la volonté des pays les plus durs, il a dû se lancer dans un nouveau round de négociations pour trouver un autre équilibre.
Dès son arrivée à Bruxelles jeudi en milieu de journée, le Premier ministre britannique David Cameron s'était montré inflexible. "En novembre, les chiffres présentés étaient vraiment trop élevés. Ils doivent redescendre. Et si ce n'est pas le cas, il n'y aura pas d'accord", avait-il lancé.
Au final, il obtient en grande partie satisfaction, avec des crédits de paiements, la mesure la plus concrète pour son opinion publique, en nette baisse.
Mais les partisans d'un cadre plus ambitieux, notamment la France et l'Italie, pourront dire qu'ils ont limité la casse, avec un montant d'engagements de 960 milliards, et surtout une marge de manœuvre de 12 milliards au sein des crédits de paiements.
Le président français François Hollande avait déclaré qu'il n'y aurait "pas d'accord" si le compromis devait "oublier l'agriculture et ignorer la croissance". Mais il avait aussi assuré de sa volonté de "compromis".
Côté recettes, les pays bénéficiant de rabais, le Royaume-Uni mais aussi l'Allemagne, les Pays-Bas et le Danemark notamment, pourront les conserver.
Pour tenir compte de la crise et des restrictions budgétaires imposées dans de nombreux Etats membres, les montants présentés en novembre par M. Van Rompuy étaient déjà en nette baisse par rapport aux demandes de la Commission européenne: 973 milliards pour les engagements et 943 milliards pour les paiements. Mais cette proposition avait été sèchement rejetée par le Royaume-Uni, soutenu par l'Allemagne, les pays nordiques et les Pays-Bas.
Selon une source européenne, M. Monti a tenté d'affaiblir la position britannique en rappelant que le maintien du Royaume-Uni dans l'UE n'était pas garanti après l'annonce par M. Cameron en janvier d'un référendum sur ce sujet après 2015.
Pour parvenir à une baisse substantielle du budget, sans amputer encore plus la politique agricole défendue par la France et les fonds de cohésion pour les régions les plus pauvres de l'UE, l'essentiel des coupes devraient être opérées dans l'enveloppe demandée pour les infrastructures. Elle devrait être amputée de plus de 10 milliards d'euros, à un peu plus de 29 milliards, dont 10 milliards provenant des fonds structurels.
Le nouveau fonds pour l'emploi des jeunes, annoncé en début de semaine par M. Van Rompuy, sera doté de quelque six milliards d'euros.
Mais le Parlement européen, qui doit voter le budget à la majorité absolue, menace de rejeter un accord conclu sur de telles bases. "Plus vous vous éloignerez de la proposition de la Commission, plus il est vraisemblable que votre décision se heurtera à un refus du Parlement européen", a mis en garde jeudi soir son président Martin Schulz.
"Si nous poursuivons de la sorte, avec des engagements plus élevés que les paiements réels, nous risquons un déficit budgétaire structurel", a-t-il expliqué.