par James Oliphant
WASHINGTON (Reuters) - Donald Trump, dont la campagne menaçait de prendre l'eau de toutes parts, est parvenu à se maintenir à flot lors du débat qui l'opposait dimanche soir à Hillary Clinton, ce qui ne devrait pas arranger les affaires des républicains qui envisageaient de ne plus le soutenir dans la course à la Maison blanche.
Eût-il implosé, le flot des députés et dignitaires du parti qui l'avaient abandonné au cours du week-end, après la divulgation de propos grossiers et machistes qu'il avait tenus en 2005, se serait sans doute transformé en raz-de-marée.
Mais cela ne s'est pas produit et le Grand Old Party, déchiré depuis des mois par la candidature Trump, a replongé dans un dilemme familier: lâcher publiquement un candidat affaibli qui pourrait mettre en danger la majorité républicaine au Congrès, ou continuer à le soutenir avec l'infime espoir qu'il parvienne à être élu président le 8 novembre prochain.
L'homme d'affaires new-yorkais s'est montré plus pugnace que lors du premier duel télévisé contre sa rivale démocrate à la fin septembre, l'attaquant sur son utilisation d'une messagerie privée lorsqu'elle était secrétaire d'Etat ou ressortant des cartons les vieilles accusations d'inconduite sexuelle à l'encontre de son époux Bill Clinton.
Ces piques ont certainement ravi les bruyants partisans du milliardaire qui envahissent ses salles de meeting à travers le pays depuis plus d'un an, mais sans doute aussi peu convaincu les électeurs modérés des Etats décisifs où l'homme d'affaires doit l'emporter s'il veut accéder à la Maison blanche.
TOUS LES COUPS SONT PERMIS
"Sa façon d'attaquer Hillary en se disant que tous les coups sont permis est ce que les conservateurs attendent d'un candidat depuis la présidence de Bill Clinton", estime Craig Robinson, ancien directeur politique du Parti républicain de l'Iowa. "La base républicaine et les débats radiophoniques vont adorer ça."
Reste que le parti présente un candidat avec de lourds handicaps, particulièrement avec les femmes, les diplômés et les électeurs des périphéries des grandes villes. D'après une récente enquête Reuters/Ipsos, 20% des électeurs américains n'ont toujours pas choisi pour qui voter le 8 novembre, et 60% d'entre eux sont des femmes.
Un sondage effectué par CNN juste après le débat de dimanche auprès d'un panel de téléspectateurs peut encore donner aux républicains des raisons de s'inquiéter, puisque la candidate démocrate a été désignée gagnante de la confrontation par 57% contre 34% pour Trump.
La controverse sur la vidéo de 2005 a conduit des dizaines d'élus du Congrès à dénoncer les propos du milliardaire, plongeant le Parti républicain dans sa plus grave crise depuis la démission du président Richard Nixon en 1974.
La House Republican Conference, une instance regroupant les près de 250 élus républicains à la Chambre des représentants, qui sera également renouvelée le 8 novembre, de même qu'un tiers du Sénat, devait se réunir lundi pour discuter de la campagne électorale.
Trente-quatre des quarante élus républicains dont le siège paraît menacé lors des élections ont condamné les propos tenus par Trump en 2005, même s'ils ne sont que trois à avoir appelé l'homme d'affaires à renoncer à sa candidature.
"NOUS NOUS ADRESSONS DIRECTEMENT AUX ÉLECTEURS"
Kellyanne Conway, la directrice de campagne de Trump, a fait savoir qu'elle serait ravie que ces élus réaffirment leur soutien à son candidat, tout en soulignant que ce dernier ne ferait pas le premier pas.
"Nous serons heureux d'obtenir leur soutien mais vous savez quoi? Nous avons le soutien de beaucoup de leurs électeurs", a-t-elle dit sur MSNBC. "Nous nous adressons directement aux électeurs."
Depuis la publication de la vidéo, le Comité national républicain (RNC), l'instance dirigeante du parti, n'a donné aucune consigne à ses responsables locaux sur la manière de gérer cette polémique. "Il n'y a eu aucun mail, aucun coup de téléphone ni quoi que ce soit", a déclaré un responsable du RNC souhaitant rester anonyme.
La controverse a toutefois relancé l'idée défendue par certains de consacrer moins d'argent à la campagne de Trump et davantage aux candidats à la Chambre ou au Sénat dont le siège serait menacé par les propos du milliardaire.
Une autre préoccupation taraude les responsables du GOP: que l'impopularité de Trump puisse conduire des électeurs républicains à s'abstenir le jour de l'élection.
Face à ces interrogations, Donald Trump s'est efforcé dimanche de rallier la base du parti en multipliant les provocations à l'égard de Clinton, espérant que les médias s'en empareront pour faire oublier l'épisode de ce qu'il a nommé une "conversation de vestiaire".
Il a durement critiqué la politique menée par Hillary Clinton à la tête du département d'Etat (2009-2013) et affirmé qu'elle irait en prison pour l'affaire de sa messagerie privée s'il était élu à la présidence, sans doute dans l'espoir que cette nouvelle polémique occupe les médias pendant quelques temps.
Donald Trump a ainsi réussi à éviter de voir sombrer définitivement sa campagne, mais sans lever les inquiétudes.
(Jean-Stéphane Brosse pour le service français, édité par Tangi Salaün)