Irréductible, la Wallonie, région francophone de Belgique, continuait vendredi, malgré les intenses pressions des pays membres de l'UE, de résister au Ceta, l'ambitieux traité de libre échange censé être signé le 27 octobre avec le Canada.
Qualifiant d'"insuffisant" le fruit des négociations des dernières heures avec l'UE et le Canada, le chef du gouvernement de Wallonie, Paul Magnette, a persisté dans son refus devant le Parlement régional à Namur (sud de la Belgique).
La Wallonie, région de 3,6 millions d'habitants, voit dans cet accord concernant plus de 500 millions d'Européens les prémices du traité TTIP (ou Tafta), encore plus controversé, que l'UE négocie très laborieusement avec les Etats-Unis, et réclame plus de garanties, notamment en matière de protection de ses agriculteurs et face aux puissantes multinationales.
En raison du très complexe système fédéral de la Belgique, le gouvernement belge doit absolument recevoir l'aval de ses sept Parlements, dont celui de Wallonie.
Et l'UE, elle, a besoin du feu vert de ses 28 Etats membres pour valider l'accord trouvé avec le Canada au bout de sept ans de négociations: la signature est prévue le 27 octobre, lors d'un sommet bilatéral à Bruxelles, avec le Premier ministre canadien, Justin Trudeau.
Devant le parlement régional, M. Magnette, qui a rencontré vendredi matin la ministre canadienne du Commerce, Chrystia Freeland, avec laquelle il s'est déjà entretenu cette semaine pour essayer d'avancer, n'a toutefois pas totalement fermé la porte.
"Il y a de nouvelles avancées significatives qui sont faites, notamment sur le dossier agricole. En revanche, il reste des difficultés pour nous, en particulier sur le dossier de l'arbitrage", a-t-il assuré.
La question des tribunaux d'arbitrage est en réalité la plus sensible du Ceta: elle concerne la possibilité donnée aux multinationales investissant dans un pays étranger de porter plainte contre un Etat adoptant une politique publique contraire à leurs intérêts.
Est désormais prévue la création d'un tribunal permanent composé de 15 juges professionnels nommés par l'UE et le Canada, dont toutes les auditions seraient publiques.
Mais les ONG jugent que cette concession ne va pas assez loin et craignent que ces "pseudo-juges" ne soient des avocat d'affaires liés à des cabinets privés.
- 'Radicalisation wallone' -
Vendredi matin, le Premier ministre belge, Charles Michel, s'était montré plutôt pessimiste quant à une conclusion positive vendredi des négociations: "je ne suis pas rassuré parce que j'ai le sentiment qu'il y a une radicalisation des positions du gouvernement wallon", a-t-il lâché.
"Nous sommes proches de l'heure de vérité, dans les heures qui viennent, nous aurons de la clarté (...) Je veux sortir de cela par le haut mais je ne suis pas totalement rassuré", a admis M. Michel.
Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, avait pourtant affiché un optimisme mesuré à son arrivée vendredi pour la deuxième journée du sommet européen, consacrée à la politique commerciale de l'UE.
"La négociation est en cours, il n'y a pas de raison de dire que nous sommes dans l'impasse", a fait valoir M. Juncker.
Jeudi, le président du Conseil européen, Donald Tusk, chef d'orchestre du sommet européen, avait accru la pression sur la Belgique.
"Je crains que le Ceta ne puisse être notre dernier accord de libre-échange", avait-il lancé, estimant qu'un échec du Ceta compromettrait à l'avenir tout accord commercial avec des pays tiers.
Ce blocage soulève d'énormes interrogations sur la capacité des 28 à négocier des traités commerciaux avec des pays comme les Etats-Unis ou le Japon.
Si le Ceta est signé comme prévu jeudi prochain, le Parlement européen et celui du Canada sont censés, d'ici la fin de l'année, approuver le Traité, qui devrait ensuite entrer en vigueur de façon provisoire et partielle.
Pour que le Ceta entre complètement en usage, les 38 Parlements nationaux et régionaux de l'UE devront le ratifier, ce qui pourrait prendre des années.
Parmi les chapitres exclus de l'accord provisoire (au motif qu'ils touchent des compétences des Etats membres et doivent par conséquent être aussi approuvés par les Parlements nationaux) devrait figurer celui concernant la très sensible question des tribunaux d'arbitrage.