Le groupe jihadiste Etat islamique (EI) a revendiqué samedi l'attentat qui a fait 84 morts, dont dix enfants, le 14 juillet à Nice mais les enquêteurs s'interrogent toujours sur le profil du tueur, qui semble s'être "radicalisé très rapidement".
La France, frappée par une tuerie de masse pour la troisième fois en 18 mois, avec un bilan global de 231 morts, a entamé un deuil national de trois jours qui culminera lundi avec une minute de silence à 12H00. Le glas des cathédrales a sonné samedi à midi, notamment à Notre-Dame-de-Paris.
"Il semble" que Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, le chauffeur-livreur tunisien de 31 ans qui a foncé au volant d'un poids-lourd sur la foule venue assister au feu d'artifice de la fête nationale sur la Promenade des Anglais, se soit "radicalisé très rapidement", a dit samedi Bernard Cazeneuve.
Le ministre de l'Intérieur a évoqué "un attentat d'un type nouveau", sans armes lourdes ni explosifs, qui "montre l'extrême difficulté de la lutte antiterroriste".
A l'issue d'une réunion ministérielle à l'Élysée, François Hollande a lancé un appel à la "cohésion" et à "l'unité" nationale, alors que le semblant de concorde qui avait suivi les attaques jihadistes de janvier et novembre 2015 a fait long feu.
Le tueur "est un soldat de l'État islamique" qui a agi "en réponse aux appels lancés pour prendre pour cible les ressortissants des pays de la coalition qui combat l'EI", a affirmé samedi l'agence Amaq. Liée au groupe jihadiste, celle-ci avait déjà revendiqué les attentats parisiens du 13 novembre 2015, les plus meurtriers jamais commis en France, avec 130 morts.
Le procureur de Paris François Molins, à la tête du parquet antiterroriste saisi de l'enquête, avait relevé dès vendredi que l'attaque correspondait "très exactement aux appels permanents au meurtre" des groupes jihadistes. Au premier rang desquels l'EI, qui incite à commettre des attaques avec les moyens du bord, comme, par exemple, des voitures.
- "Contact avec des islamistes radicaux" -
L'enquête doit déterminer les motivations de Lahouaiej-Bouhlel. Outre son ex-épouse, quatre hommes de son entourage ont été interpellés vendredi et samedi à Nice et placés en garde à vue.
"Le tueur était en relation avec des personnes elles-mêmes en contact avec des islamistes radicaux", a affirmé à l'AFP une source proche de l'enquête, "mais à ce stade cela ne prouve rien et l'enquête devra établir s'il a bénéficié de complicités".
L'homme n'était pas signalé pour une quelconque radicalisation. Il était en revanche connu de la justice pour des "faits de menaces, violences, vols et dégradations commis entre 2010 et 2016".
Père de famille en instance de divorce, Lahouaiej-Bouhlel avait fait une dépression au début des années 2000 et n'avait pas de lien avec la religion, a affirmé à l'AFP son père en Tunisie. "Il devenait colérique, il criait, il cassait tout ce qu'il trouvait devant lui." Il est également décrit par ses voisins à Nice comme n'ayant aucune pratique religieuse affichée, taciturne, violent, notamment envers son ex-femme.
Le président François Hollande a prévenu : "Nous n'en avons pas terminé" avec le "terrorisme". Il a annoncé vendredi une prolongation pour trois mois de l'état d'urgence, instauré après le 13 novembre mais qui devait s'achever le 26 juillet. Les perquisitions administratives seront à nouveau autorisées.
Mais le débat fait rage sur la riposte politique adéquate."Je voudrais savoir ce qui était pris comme mesure en situation de guerre, en état d'urgence, pour que l'on ne tue pas avec cette arme-là dans une grande ville de France", s'est interrogé samedi Christian Estrosi, président Les Républicains de la région Paca, en écho aux critiques de plusieurs figures de l'opposition, dont l'ex-Premier ministre Alain Juppé.
L'ex-président Nicolas Sarkozy, qui a estimé que le moment viendra "bientôt" de "dire les choses", et surtout de "les faire", a invité l'ensemble des parlementaires LR à se réunir mardi au siège du parti.
- 16 corps encore non identifiés -
Lahouaiej-Bouhlel a été abattu par la police au terme d'une course meurtrière de deux kilomètres sur la Promenade des Anglais, piétonisée pour les 30.000 personnes venues célébrer le 14-Juillet, après avoir forcé le barrage des forces de l'ordre en montant sur un trottoir.
Les enquêteurs ont retrouvé à bord du camion frigorifique de 19 tonnes, qu'il avait loué lundi, un pistolet avec lequel il a tiré sur des policiers, ainsi que des armes factices.
Dix enfants et adolescents ont été tués ainsi que plusieurs étrangers, dont trois Allemands, trois Tunisiens et deux Américains. Samedi matin, seize corps demeuraient "encore non identifiés".
Le bilan pourrait encore s'alourdir, car il y a plus de 200 blessés. A l'hôpital pédiatrique de Nice, où cinq enfants étaient samedi dans un état critique, le blessé le plus jeune n'a que six mois.
En larmes sur un banc près d'un hôpital niçois, Ouassila, une retraitée à l'allure frêle, a décrit vendredi à l'AFP l'image gravée dans son esprit : celle d'un enfant de quatre ans "qui se fait écraser la tête par le camion".
Sur la célèbre avenue, qui a été partiellement rouverte samedi, des passants venaient encore déposer des bouquets de fleurs.