L'Indonésie, première économie d'Asie du Sud-Est, cherche à doper le secteur de la banque islamique encore peu développé dans le pays musulman le plus peuplé au monde, en attirant nombre de clients très attachés aux principes de l'islam.
L'autorité de régulation financière a ainsi lancé un projet dans l'espoir de développer rapidement ce type d'établissement bancaire respectant les principes de la charia qui interdit notamment le recours aux taux d'intérêt et à la spéculation.
Ce secteur au potentiel important représente actuellement moins de 5% des actifs bancaires en Indonésie (225 millions de musulmans sur 250 millions d'habitants), contre 25% en Malaisie, pays voisin à majorité musulmane, et environ 50% en Arabie Saoudite.
Pour les autorités, c'est le bon moment: de nombreux Indonésiens ont vu leurs revenus augmenter après des années de forte croissance économique, et l'attachement aux pratiques religieuses ne cesse de se développer dans la société.
Des milliers de personnes n'ayant pas de compte bancaire -- environ 40% de la population, selon certaines estimations -- devraient en ouvrir un prochainement.
"La situation est une opportunité de développement pour le secteur de la banque islamique", estime Nasirwan Ilyas, un responsable du département banque islamique au sein de l'autorité de régulation financière (OJK).
Cette dernière a lancé plus tôt dans l'année une feuille de route comportant des chapitres sur l'information du public concernant la banque islamique et l'établissement d'une commission des finances islamiques chargée d'améliorer la gestion de cette activité.
Outre l'interdiction de la spéculation et des taux d'intérêt, les investissements dans des secteurs "non islamiques" tels l'alcool ou le porc sont également prohibés.
Nina Ramadhaniah, une enseignante indonésienne qui a ouvert un compte à la plus grand banque islamique du pays, Bank Syariah Mandiri, a été particulièrement attirée par l'interdiction des taux d'intérêt qu'elle juge contraires à l'islam.
"Je ne veux pas vivre dans le péché", a-t-elle déclaré à l'AFP.
- Méga-banque islamique -
Les banques islamiques présentent cependant des inconvénients, ces établissements offrant en général de faibles retours sur investissements. Et compte tenu de leur modeste taille, ils proposent souvent moins d'avantages que les grands établissements bancaires classiques. Par exemple, de nombreux magasins n'acceptent pas leur carte de crédit.
Toutefois, les banques islamiques ont gagné en popularité au cours des dernières années, avec une croissance de plus de 40% de 2008 à 2012, selon l'OJK.
Ce bond est intervenu après un changement de législation qui a simplifié les procédures de création d'une banque islamique. Ces établissements se sont du coup multipliés de même que les départements de finance islamique au sein des grandes banques et les instituts plus petits dans les campagnes.
Au coeur du projet des autorités figure la création cette année d'une commission nationale des finances islamiques chargée de superviser le secteur en réunissant des responsables de différentes agences publiques, et d'être un point de contact pour les investisseurs étrangers potentiels.
En plus de la feuille de route, le gouvernement indonésien a annoncé un projet de fusionner quatre banques islamiques filiales d'établissements bancaires publics pour créer une méga-banque islamique qui devrait proposer de meilleurs services.
Si ces initiatives ont été généralement bien accueillies, certains observateurs comme Khalid Howladar, chef du département finance islamique chez Moody's, estime qu'il s'agit d'un "véritable défi", dans la mesure où les banques islamiques ne représentent pas une "véritable concurrence" vis-à-vis des établissements classiques.
Mais pour Mme Ramadhaniah et nombre d'autres fervents musulmans, la banque islamique est le seul choix possible: "Cela m'est complètement égal de ne rien gagner ou d'obtenir de faibles retours sur investissements. Je peux vivre en paix", dit-elle.