Gros propriétaire foncier, la SNCF détient 12 millions de m2 de bâtiments industriels et des milliers d'hectares de terrains parfois au coeur des métropoles, qu'elle cède ou reconvertit lorsqu'elle n'en a plus l'usage, donnant naissance à de vastes projets immobiliers.
"Notre ambition est de participer à la construction de la ville, et d'atténuer les saignées ferroviaires qui l'avaient morcelée", dit Benoît Quignon, directeur général de SNCF Immobilier, en faisant visiter Chapelle international.
Cet ancien site ferroviaire de 5 hectares proche de la gare du Nord, abritait le dépôt de la Chapelle, créé en 1846 et fermé depuis deux ans.
Sur cette friche industrielle qui nécessite un désamiantage lourd, SNCF Immobilier - un pôle créé en juillet 2015, dédié à la gestion et l'optimisation des quelque 20.000 hectares de foncier détenus par la société - bâtit tout un quartier, en collaboration avec la Ville de Paris, des promoteurs et des bailleurs sociaux.
D'anciennes halles utilisées par le transporteur Sernam ont été rasées, pour laisser place, d'ici 2022, à 900 logements, des commerces, des bureaux, des espaces verts, une école, une crèche et un gymnase qui cohabiteront avec un "hôtel logistique multimodal".
Long de 400 mètres, ce vaste entrepôt de 40.000 m2 développé par Sogaris, recevra des marchandises amenées par le train, qui seront ensuite acheminées - par véhicules électriques ou hybrides, pour limiter les nuisances sonores - dans la capitale. Sa toiture accueillera des équipements sportifs et de l'agriculture urbaine.
La Petite Ceinture, un axe ferroviaire historique qui fait le tour de Paris, sera préservée et enjambée par des immeubles de bureaux, "une innovation technique pour nous", explique M. Quignon.
- 'Enorme machine immobilière' -
Deux autres quartiers de la capitale sont en train de naître. A Saussure Pont-Cardinet dans le 17e arrondissement, un site de 1,7 hectare où 500 logements (à 50% sociaux), des hôtels, des bureaux et des commerces seront construits.
A Ordener, dans le 18e, 500 logements, une crèche, une école, et là encore, des commerces, bureaux, et des hôtels, verront le jour. Des bâtiments "témoignant de la mémoire industrielle du site" seront maintenus, et Espaces Ferroviaires, filiale en charge de l'aménagement, a lancé un appel à partenariat afin d'associer architectes, promoteurs et investisseurs à la conception du projet, en concertation avec la Ville de Paris et les riverains.
"Cette concertation continue tout au long d'un projet n'était pas forcément familière à la SNCF, qui a su l'intégrer", dit M. Quignon.
Ex directeur général de la Métropole de Lyon, passé par le logement social, la Caisse des Dépôts et Dexia-Crédit local, il dirige depuis janvier SNCF Immobilier, où il déploie ses capacités de négociateur, dans des opérations souvent complexes, avec les partenaires et au sein du groupe.
"Expliquer en interne qu'il n'y aura plus d'activité ferroviaire sur un site, est une étape difficile... il faut parfois tordre un peu le bras à nos collègues, pour les reloger ailleurs", dit-il.
"+Déclasser+ une emprise ferroviaire est un processus assez long, et qui va le rester, parce qu'on ne peut pas revenir en arrière... c'est d'ailleurs l'obsession du cheminot".
La SNCF possède les deux tiers des réserves foncières de la capitale: 50 hectares, sur un total de 250 hectares urbanisables, en Ile-de-France, et elle entend ramener ces emprises au "strict nécessaire".
En valorisant son foncier par des "cessions sèches" ou bien de vastes opérations immobilières comme celles menées dans la capitale, la SNCF finance la modernisation de son outil industriel - par exemple en construisant des ateliers plus modernes, adaptés aux rames actuelles, plus longues qu'autrefois.
SNCF Immobilier détient aussi quelque 100.000 logements, dont 90.000 sociaux, ce qui en fait un important bailleur social via sa filiale ICF Habitat. Seulement un quart sont occupés par des cheminots.
"Nous sommes une énorme machine immobilière, le 2e propriétaire foncier en France", résume M. Quignon, qui supervise "plusieurs centaines de projets de taille petite et moyenne, sur tout le territoire".