Lorgnant sur le colossal programme de travaux publics en préparation aux États-Unis, le groupe franco-suisse LafargeHolcim (PA:LHN) se dit prêt à vendre son ciment pour le mur anticlandestins promis par Donald Trump, assure son PDG dans un entretien à l'AFP.
Ce projet à la frontière entre les États-Unis et le Mexique, évalué à plusieurs dizaines de milliards de dollars, est au centre d'une crise diplomatique entre Mexico et Washington et suscite des critiques à travers le monde.
"Nous sommes prêts à fournir nos matériaux de construction pour tous types de projets d'infrastructures aux États-Unis", déclare Eric Olsen, patron du géant du ciment, interrogé sur une possible participation à ce chantier controversé.
"Nous sommes le premier cimentier aux États-Unis (...). Nous sommes ici pour soutenir la construction et le développement du pays", justifie-t-il, en anglais.
Questionné sur d'éventuelles conséquences sur la réputation du groupe, il insiste sur le fait que LafargeHolcim ne fait pas de politique: "Nous sommes ici (aux États-Unis) pour servir nos clients et répondre à leurs besoins. Nous ne sommes pas une organisation politique".
"Nous n'avons pas d'opinion politique", martèle-t-il, refusant par ailleurs de s'exprimer sur le financement indirect par Lafarge en 2013 et 2014 de groupes armés en Syrie pour maintenir en activité l'une de ses cimenteries.
Le président français François Hollande a appelé jeudi --en marge d'un Conseil européen à Bruxelles-- le groupe à "se montrer prudent avant de se porter candidat" pour fournir le ciment de ce mur.
Plus tôt, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault avait déjà appelé LafargeHolcim à "bien réfléchir" avant de se présenter "parce qu'il y a d'autres clients dans le monde qui vont regarder cela avec une certaine stupéfaction".
"Cette entreprise a déjà fait parler d'elle il y a peu de temps puisqu'elle a été accusée d'avoir financé (le groupe État islamique) pour pouvoir continuer des activités en Syrie", a-t-il ajouté, sur la chaîne franceinfo.
- Boycott? -
M. Olsen adoptera une position identique en cas de victoire de la candidate d'extrême droite Marine Le Pen à l'élection présidentielle en France, une perspective qui inquiète de plus en plus les milieux financiers et d'affaires internationaux.
Si ces positions pourraient se traduire par une mauvaise publicité pour le groupe et lui attirer des remontrances des politiques, notamment en Europe, l'impact matériel serait, lui, négligeable car LafargeHolcim ne vend pas directement son ciment aux consommateurs.
Il s'estime ainsi à l'abri d'un potentiel boycott populaire comparable à celui subi par Uber après sa réaction timide au premier décret anti-immigration de M. Trump fin janvier.
Également présent aux États-Unis, le cimentier irlandais CRH (LON:CRH) a pour sa part déjà indiqué qu'il ne fournirait pas de matériaux pour le mur frontalier. Le président américain a signé le décret de lancement du projet de construction le 25 janvier.
- Créations d'emplois -
Les enjeux sont importants pour LafargeHolcim, né en 2015 de la fusion des cimentiers français Lafarge et suisse Holcim (SIX:LHN).
L'entreprise espère être un des grands bénéficiaires du programme d'investissements de 1.000 milliards de dollars promis par Donald Trump pour rénover les infrastructures américaines. L'annonce de ce plan est imminente, selon la presse américaine.
"Il va y avoir une hausse importante des dépenses d'infrastructures", anticipe d'ores et déjà Eric Olsen, attendant de premiers effets sur les résultats de LafargeHolcim dès 2018. "Nous sommes bien placés pour tirer profit de ces investissements".
Le groupe, qui a renoué avec les bénéfices en 2016, devrait annoncer dans les prochaines semaines des créations d'emplois aux États-Unis. "Je ne peux pas donner de chiffre exact mais ce sera important", a relevé M. Olsen.
Autre élément pouvant séduire M. Trump, qui veut donner la priorité aux salariés, marchandises et entreprises américains: LafargeHolcim dispose de sites de production au Texas et des opérations au Nouveau-Mexique et en Arizona, soit trois des quatre États frontaliers du Mexique.
Et il vient de construire deux nouvelles usines dans le Maryland et l'Oklahoma, et a ouvert de nouvelles capacités dans les États de New York et du Missouri, en prévision du redressement en cours du secteur de la construction.
Cette forte présence américaine pourrait faire pencher la balance de son côté face au cimentier mexicain Cemex, fortement pressenti pour emporter ce projet.