Une polémique autour de la pâte à tartiner Marmite, une institution au Royaume-Uni, illustre les craintes de hausses de prix pour les consommateurs britanniques, victimes de la chute de la livre depuis le Brexit.
Omniprésent dans le débat politique et économique, le vote pour le Brexit vient de faire une arrivée remarquée dans les assiettes. Ou plutôt sur les tartines: car la chute de la livre, nourrie par les craintes d'un "Brexit dur", a un effet inattendu, avec la disparition de la fameuse Marmite du site internet du géant des supermarchés Tesco (LON:TSCO).
Sur son site de vente en ligne apparaît désormais la mention "ce produit n'est actuellement plus disponible" sous les célèbres pots jaune et rouge de Marmite, une pâte noire au goût amer et salé fabriquée à partir de levure de bière.
Dans un magasin Tesco au cœur de la City de Londres, la Marmite était également absente des rayons avec une étiquette d'excuse du magasin.
Véritable icône au Royaume-Uni, la Marmite, qui se déguste à tout moment de la journée sur des toasts ou comme base pour des sandwichs, sauces ou bouillons, est l'un des sujets qui divisent le pays. La marque elle-même en joue, avec son slogan "Marmite, tu l'aimes ou tu la détestes".
Cette polémique a d'ailleurs fait réagir jusque dans les rangs politiques.
Le député conservateur Gerald Howarth a estimé dans le Daily Telegraph qu' Unilever (LON:ULVR), qui fabrique la Marmite, utilise "la baisse de la livre pour exploiter le consommateur". Pour le leader du Parti Libéral-Démocrate Tim Farron, "le chaos autour du Brexit touche désormais nos rayons de supermarché".
Le plongeon de la livre commence à déstabiliser l'économie, la devise ayant atteint récemment un plus bas en 31 ans face au dollar et 7 ans face à l'euro.
Car si la Marmite est Made in Britain, elle est détenue par le géant néerlandais de l'agroalimentaire Unilever.
Or, les revenus tirés de cette pâte au Royaume-Uni sont mécaniquement diminués lorsqu'il les convertit en euros, à cause de la dépréciation de la livre. Pour compenser, le groupe néerlandais a décidé selon la presse d'augmenter de 10% le prix des Marmite facturées à Tesco, mais ce dernier a refusé et préféré arrêter de lui en acheter - au risque de ne plus pouvoir les proposer à ses clients.
- Guerre des prix -
"Certains produits d'Unilever ne sont plus disponibles. Nous espérons résoudre le problème rapidement", a déclaré le distributeur britannique.
D'autres produits du groupe anglo-néerlandais, comme la glace Ben & Jerry's, ont disparu du site de Tesco.
De même, la chaîne SuperValu en Irlande a indiqué avoir des problèmes d'approvisionnement sur certains produits en raison d'une mésentente sur les prix avec Unilever.
"Le Brexit est le facteur déclenchant" et "il est probable que d'autres sociétés (...) comme Nestlé et Ferrero vont suivre le mouvement", explique Pinar Hosafci, analyste au cabinet Euromonitor International.
Mais il est confiant dans le fait qu'Unilever et Tesco vont finir par s'entendre, car dans le cas contraire le premier perdrait un débouché énorme tandis que le second y laisserait des parts de marché.
Le directeur financier d'Unilever, Graeme Pitkethly, a d'ailleurs expliqué être "confiant dans le fait que ce problème sera résolu assez rapidement".
Pour l'heure, "la bataille Tesco-Unilever est un symptôme d'une guerre des prix féroce", note Neil Wilson, analyste chez ETX Capital.
Tesco évolue dans un secteur extrêmement concurrentiel au Royaume-Uni où les chaînes traditionnelles de supermarchés doivent composer avec la montée en puissance des enseignes allemandes de maxi-discompte Aldi et Lidl.
De son côté, la British Retail Consortium, la fédération professionnelle de la grande distribution, a lancé un appel au gouvernement cette semaine, en soulignant que le secteur était le plus grand importateur du Royaume-Uni et que la pression sur les coût, liée à la baisse de la livre, "pourrait signifier des prix plus élevés dans les magasins".
De même, la fédération des stations-services a prévenu que le prix de l'essence à la pompe risquait d'augmenter d'ici à la fin du mois de 4 à 5 pence par litre (autour de 5 centimes d'euro).