Entrer dans un champs de mines, traverser la rue sans regarder, ou pénétrer dans une zone interdite, les fans de Pokémon Go sont prêts à tout pour attraper Pikachu et consorts. Une chasse virtuelle aux conséquences bien réelles, qui enfièvre ados et trentenaires, jusqu'à la Bourse de Tokyo.
Après avoir chassé ces monstres de poche sur leurs consoles, les joueurs peuvent désormais les capturer sur leurs smartphones grâce à la réalité augmentée, une technologie qui fait apparaître des éléments virtuels dans le monde réel.
"En touchant plusieurs générations, des nostalgiques qui ont connu la naissance de Pokémon en 1996 aux plus jeunes, ce jeu parvient à toucher une masse colossale de joueurs et possède les atouts pour devenir la référence en matière de réalité virtuelle", a expliqué à l'AFP Laurent Michaud, responsable du pôle des loisirs numériques au sein du laboratoire d'idées Idate.
Le phénomène est tel que les autorités de nombreux pays tentent de prévenir des risques à trop se concentrer sur son écran. Sur les réseaux sociaux, les polices du monde entier rappellent les règles de sécurité de base dans l'espace public.
Et pour cause, la recherche de petits monstres les yeux rivés sur l'écran du téléphone a conduit à des situations inattendues.
En Indonésie, un Français a ainsi été interpellé après être entré dans une base militaire en jouant à "Pokémon Go" et a été interrogé plusieurs heures avant d'être relâché.
En Bosnie, les joueurs ont été mis en garde afin d'éviter les champs de mine, héritages de la guerre intercommunautaire qui a touché le pays entre 1992 et 1995.
Au Japon, alors que le jeu n'est pas encore disponible mais déjà très attendu, le gouvernement a publié un dépliant des bonnes pratiques pour sensibiliser les enfants aux risques pouvant être liés à Pokémon Go, leur rappelant de ne pas y jouer à vélo ou de ne pas s'aventurer dans des endroits dangereux.
Et l'Arabie Saoudite va encore plus loin: l'organe religieux le plus important y a de nouveau publié une fatwa datant de 2001 interdisant les jeux mettant en scène les Pokemon, les considérant comme des jeux d'argent, interdits dans l'Islam, et vecteurs de propagation de la théorie darwinienne de l'évolution.
La marine israélienne préfère elle jouer le jeu en publiant une photo de ses forces capturant un Pokémon en pleine mer, avec la mention: "Il y a des Pokemon que nous seuls pouvons attraper". Côté palestinien, dans un tweet largement relayé, on voit Pikachu émerger des décombres d'une maison à Gaza.
- Déconseillé à vélo -
S'il n'est encore disponible que dans une quarantaine de pays, les impatients ont trouvé la parade pour contourner la restriction et désormais une grande partie de la planète y joue. Comme en France, où la gendarmerie nationale a déjà tweeté des conseils aux "dresseurs" de Pokemon : "Conducteurs, ne jouez pas à PokemonGo" et "Piétons, redoublez d'attention".
Un phénomène que Jean-Claude Ghinozzi, président du syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (SELL) qualifie d'"exceptionnel", avec une "adoption massive d'une technologie par le grand public".
"Nous sommes clairement surpris par la rapidité de l'adoption par le grand public. Un jeu tel que Candy Crush (jeu pour mobile, NDLR) a mis plusieurs mois avant de décoller, ici nous sommes sur une question de jours simplement", a ajouté M. Ghinozzi.
Derrière ce succès se cache Pokémon Company mais aussi le groupe japonais Nintendo, dont les machines ont jusqu'ici accueilli tous les jeux de cette marque et qui est actionnaire de Pokémon Company.
Si la part des revenus qui reviendra in fine à Nintendo est inconnue, les investisseurs plébiscitent l'action de l'entreprise à la Bourse de Tokyo: depuis la sortie de Pokémon Go, son cours a plus que doublé même s'il reste encore nettement inférieur à ce qu'il était au plus fort du succès mondial de sa console Wii en 2007/2008.
Reste à gérer les risques de sécurité, car le succès du jeu a également attiré l'attention de hackers, qui ont déjà revendiqué, selon le spécialiste russe de la cyber-sécurité Kaspersky, plusieurs attaques sur les serveurs de Nintendo, déjà très sollicités.
"Les serveurs Nintendo ont déjà connu un certain nombre de problèmes liés au trafic et leurs attaquants ont parfaitement conscience que l'entreprise ne peut pas se permettre d'avoir des serveurs en panne ou inactifs", a estimé David Emm, chercheur en sécurité chez Kaspersky.
Pour le secteur plus largement, l'intérêt est à long terme car "grâce au côté ludique, les questions liées à l'intrusion dans la vie privée son mises de côté, Pokémon Go participe à l'acceptabilité de l'ensemble de ces technologies", pronostique Simon Richir, directeur scientifique de Laval Virtual, le principal salon français consacré à la réalité virtuelle et augmentée.