PARIS (Reuters) - Confronté à une situation économique difficile, François Hollande appelle l'Allemagne à apporter un soutien plus fort à la croissance en Europe, estimant que ses excédents et sa situation financière lui permettaient d'investir davantage.
L'exécutif prépare depuis plusieurs semaines ses partenaires européens à de mauvaises nouvelles sur l'économie et les déficits, qui devraient être supérieurs à 3% en 2015 si l'activité reste atone, contrairement aux engagements de Paris.
Le Premier ministre Manuel Valls a annoncé vendredi qu'il dirait "la vérité aux Français" à la mi-août, tout en avertissant l'Union européenne qu'une consolidation budgétaire trop rapide risquait "d'éteindre la croissance".
"C'est la raison pour laquelle nous allons continuer à réduire notre déficit à un rythme équilibré, compatible avec notre situation économique", avait-il dit à l'issue du dernier séminaire gouvernemental avant les vacances.
François Hollande lui a emboîté le pas dans des déclarations publiées lundi par Le Monde.
"Il y a un vrai risque déflationniste en Europe : en France, l'inflation n'a jamais été aussi basse. Or, si une faible croissance pèse sur les rentrées fiscales, une faible inflation a également des conséquences budgétaires négatives sur les recettes comme sur la dette", a-t-il dit dimanche au quotidien.
"Beaucoup va dépendre du niveau de l'euro qui a baissé ces derniers jours mais encore trop peu", estime le président français, pour qui la Banque centrale européenne "doit prendre toutes les mesures nécessaires pour injecter des liquidités".
AUGMENTER LES SALAIRES EN ALLEMAGNE
Mais le couple exécutif entend surtout convaincre l'Allemagne de l'aider à surmonter cette passe difficile, alors même que la France a déjà obtenu un délai de deux ans, de 2013 à 2015, pour ramener ses déficits sous la barre des 3%.
"Nous mettons en place les réformes annoncées, mais le rythme des efforts entrepris pour réduire les déficits dépend aussi de la croissance. Nous ne sollicitons pas de l'Allemagne une quelconque indulgence, mais nous lui demandons un soutien plus ferme à la croissance. Ses excédents commerciaux et sa situation financière lui permettent d'investir davantage", ajoute François Hollande.
A Liège, où il participait aux commémorations du centenaire de l'invasion de la Belgique par l'Allemagne, le président français a précisé sa pensée.
"Ce que la BCE doit comprendre, et aussi ce que nos amis allemands doivent entendre, c'est qu'il y a des pays en déficit, la France en est un, ces pays-là doivent faire des efforts pour redresser leurs comptes, pour améliorer leur compétitivité, c'est ce que nous faisons en France", a-t-il dit.
"Et puis il y a des pays qui sont en excédent parce qu'ils ont fait des réformes il y a dix ans que la France n'avait pas faites à l'époque et qui se trouvent dans une position meilleure, eh bien ces pays-là peuvent soutenir la consommation, soutenir la demande, augmenter les salaires, faire davantage d'investissements pour qu'il puisse y avoir plus de croissance en Europe. Ce sera bon pour l'Allemagne et bon pour la France."
Pour préparer le terrain, le chef de l'Etat français recevra de nouveau les dirigeants sociaux-démocrates européens, dont le vice-chancelier allemand Sigmar Gabriel, à la veille du Conseil européen du 30 août qui décidera de la répartition des postes dans la nouvelle Commission européenne.
UN RÔLE PLUS IMPORTANT POUR L'ALLEMAGNE
L'Allemagne est d'ailleurs réticente à l'idée d'accorder au candidat français, Pierre Moscovici, le poste de commissaire aux Affaires économiques et monétaires, précisément parce que la France ne respecte pas ses objectifs budgétaires.
Manuel Valls rencontrera ensuite la chancelière allemande Angela Merkel à Berlin fin septembre pour tenter d'arracher des concessions sur une initiative censée doper la croissance.
François Hollande semble vouloir offrir à l'Allemagne un plus grand rôle en échange de sa compréhension.
"La France a toutes les raisons de souhaiter une Allemagne plus présente sur la scène mondiale. Nous n'avons pas vocation à agir seuls. Je suis favorable à un partage de la responsabilité, sur le plan politique, militaire et budgétaire", a-t-il dit.
Pierre Moscovici a apporté sa contribution à cet appel du pied de la France à son allié allemand.
"La France est un pays qui mérite qu'on lui fasse confiance, je le dis à tous mes amis allemands, la France fait des réformes, la France n'a jamais enfreint les règles du Pacte de stabilité", a dit lundi l'ancien ministre des Finances sur RTL en soulignant que les délais déjà accordés à Paris pour tenir ses engagements en matière des déficits publics avaient été décidés en concertation avec l'Allemagne".
(Yann Le Guernigou et Yves Clarisse, avec Julien Ponthus à Liège, édité par Yves Clarisse)