par Silvia Aloisi et Balazs Koranyi
MILAN/FRANCFORT (Reuters) - La Banque centrale européenne aurait dû expliquer plus clairement les raisons pour lesquelles elle a très fortement augmenté son estimation du déficit de fonds propres de la banque Monte dei Paschi di Siena (MI:BMPS), en cours de sauvetage par l'Etat, a déclaré jeudi le ministre italien de l'Economie.
Dans des propos exceptionnellement critiques à l'égard de la BCE, chargée de la supervision des banques de la zone euro, Pier Carlo Padoan a déclaré dans une interview à un journal italien que le nouvel objectif de la BCE découlait d'une "position très rigide" dans l'évaluation du profil de risque de la banque.
"Il aurait été utile, sinon aimable, d'avoir un peu plus d'information concernant les critères qui ont mené à cette estimation", a-t-il dit au quotidien financier Il Sole 24 Ore.
Monte dei Paschi, la troisième banque italienne, a annoncé lundi que la BCE lui avait demandé de combler un manque de fonds propres qu'elle estime désormais à 8,8 milliards d'euros au lieu des cinq milliards d'euros annoncés initialement par la banque.
Cette nouvelle estimation augmente considérablement le coût pour l'Etat italien du sauvetage de Monte dei Paschi à la suite de l'échec de sa tentative de recapitalisation privée.
Rome devrait apporter 6,5 milliards d'euros pour sauver la banque toscane en difficulté, selon des sources proches du dossier, ce qui incite certains observateurs à se demander si les 20 milliards d'euros dont dispose le fonds de sauvetage des banques italiennes seront suffisants.
Le reste des capitaux nécessaires à Monte dei Paschi viendra d'une conversion forcée de ses obligations subordonnées en actions, selon la réglementation européenne en cas de sauvetage.
La BCE a annoncé sa décision au Trésor italien dans une lettre qui, selon Pier Carlo Padoan, ne fait que cinq lignes.
Cette annonce a irrité le gouvernement italien et s'est rapidement transformée en affaire politique. Un groupe de parlementaires du Parti démocrate au pouvoir a demandé aux ministre de l'Economie et des Affaires étrangères mercredi d'expliquer ce qui se passait au parlement.
"J'ai été un peu surpris d'apprendre la nouvelle, sortie de nulle part, le jour de Noël", a déclaré mercredi le Premier ministre, Paolo Gentiloni, lors d'une conférence de presse.
"Il est important que les raisons de cette évaluation soient partagées et qu'il y ait un dialogue, parce que nous devons régler ce problème ensemble (...) Nous resterons fermes."
La BCE s'est refusé à expliquer les raisons qui ont motivé le relèvement de son estimation des besoins en fonds propres.
Une source proche du dossier a dit que l'estimation initiale de cinq milliards d'euros était basée sur les résultats du test de résistance, menée sur la base de données datant de fin 2015, et comprend des hypothèses telles que la cession de la totalité du portefeuille de créances de la banque, un élément clé de son projet de recapitalisation par des fonds privés.
Vu l'échec du projet et la dégradation du bilan dans l'année qui vient de s'écouler, la BCE veut s'assurer que la banque a suffisamment de capitaux pour disposer d'un ratio de solvabilité CET1 de 8% dans un scénario noir, afin de rétablir la confiance des investisseurs et de ses clients, a expliqué la source.
Elle a ajouté que la BCE avait proposé d'expliquer sa position tant au Trésor italien qu'à la banque elle-même.
Avec un ratio CET1 de 8% dans un scénario du pire, Monte dei Paschi serait encore en dessous de la moyenne établie lors des tests de résistance de la BCE, dans lequel les banques verraient leur CET1 tomber à 9,4%, contre 13,2% actuellement.
La BCE avait aussi fixé un taux minimal de 8% pour les banques grecques en difficulté dans une évaluation en 2015.
Pier Carlo Padoan a dit que le montant exact de capitaux que Monte dei Paschi devra lever serait déterminé une fois présenté un nouveau plan stratégique à la BCE et à la Commission européenne, mais il a minimisé les problèmes de la banque.
"La banque se trouve dans des conditions optimales et aura beaucoup de succès", a-t-il dit.
(Giulia Segreti à Milan et Giselda Vagnoni à Rome, Juliette Rouillon pour le service français)