De moins en moins d'Argentins ont les moyens d'acheter une voiture en raison de la crise économique. Du coup, les concessionnaires se tournent les pouces et chaque acheteur potentiel est accueilli comme un roi.
Les ventes de voitures ont chuté de 54,5% sur 12 mois en mars, les usines tournent au ralenti et le chômage technique se développe. L'industrie automobile ne fonctionne qu'à 15% de la capacité installée, le plus bas niveau depuis 2003, une époque marquée par la crise économique de 2001.
"On vendait chacun entre 25 et 30 voitures par mois en moyenne. Aujourd'hui, si on arrive à 10, c'est la fête. Ce mois-ci, j'en ai vendu 6 et il m'en manque 2 pour atteindre le minimum exigé", confie à l'AFP Matias Conde, qui travaille dans la concession d'une marque française à Buenos Aires.
"Le manque de financement à un taux raisonnable et le harcèlement fiscal complètent un panorama alarmant", se lamente Dante Alvarez, président de la Chambre des concessionnaires.
Avec une inflation de 54,7% sur les 12 derniers mois, la perte de pouvoir d'achat est considérable. La majorité des 44 millions d'Argentins limitent donc leurs achats aux produits essentiels: alimentation et médicaments.
En outre, les taux d'intérêt sont parmi les plus élevés du monde, plus de 60%, et compliquent l'accès au crédit.
"Environ 7.000 des près de 25.000 employés que compte l'industrie sont au chômage technique", alerte un responsable du Syndicat des salariés de l'automobile, tout en précisant qu'ils touchent 70% de leur salaire.
"L'industrie est très touchée par la récession, la consommation a considérablement baissé. Moins de production, c'est moins d'emplois. Et cette année, je ne crois pas que nous verrons une reprise", dit José Urtubey, président de Union industrielle argentine (UIA).
L'automobile représente 60% des exportations industrielles vers le Brésil et il espère bénéficier de la reprise économique chez le grand voisin, premier partenaire commercial de l'Argentine.
- Licenciements -
La classe moyenne est mise à rude épreuve par la récession économique et "chaque jour, 25 petites et moyennes entreprises ferment", affirme un représentant des patrons de PME Eduardo Fernandez, en rappelant que ces deux secteurs sont des acheteurs historiques de véhicules.
Hernan Letcher, du Centre d'économie politique, redoute que la crise de la production automobile ne génère une hausse des importations, déjà élevées (69% des véhicules immatriculés), notamment du Brésil, membre du Mercosur (Marché commun du sud).
Il cite en "exemple" l'usine de "motos Corven qui a licencié ses salariés face à la chute des ventes et importe désormais de Chine".
Mercedes-Benz a cessé de produire le modèle Vito dans son usine de La Matanza car les ventes sont restées inférieures aux attentes.
Logiquement, les sous-traitants du secteur, aux reins moins solides, sont également touchés de plein fouet et parfois contraints à fermer.
Le prix des voitures neuves est plus élevé qu'en Europe: les petits modèles comme la Renault (PA:RENA) KWID ou la Nissan March coûtent environ 10.000 dollars américains alors que le salaire moyen est tombé à 465 USD par mois.
Depuis 1954, des marques étrangères fabriquent des véhicules en Argentine. En 2011, année record, 828.771 véhicules ont été produits.
En 2017, le président Mauricio Macri, ancien dirigeant de Sevel (Peugeot-Fiat), société dissoute en 1996 qui commercialisait les deux marques dans le pays, a lancé un plan visant à atteindre 1 million de véhicules produits.
Mais la récession a balayé ces espoirs.
La crise dans le secteur est telle que même la vente de voitures d'occasion est en chute.