Le gouvernement a vanté mercredi les réductions de dépenses "sans précédent" inscrites au budget 2014 pour tenir l'objectif d'un déficit sous les 3% fin 2015, ce qui n'allègera pas pour autant la fiscalité des ménages.
Préparé dans la cacophonie de la polémique sur le "ras-le-bol fiscal", le projet de loi de finances (PLF), présenté en Conseil des ministres, insiste sur l'effort de l'Etat pour se serrer la ceinture, mais reste plus discret sur l'évolution de la fiscalité, après les 20 milliards d'augmentation d'impôts sur les ménages et les entreprises votées l'an dernier pour 2013.
"Nous préférons faire des économies plutôt que d'augmenter les impôts", affirment le ministre de l'Economie Pierre Moscovici et son collègue délégué au Budget Bernard Cazeneuve, en préambule du texte. "Nous avons retrouvé notre souveraineté budgétaire, c'est-à-dire la liberté de faire des choix qui préparent l'avenir", ajoutent-ils.
"On passe à un budget construit avec la volonté d'accompagner le retour de la croissance et l'infléchissement attendu du chômage", fait valoir l'entourage de M. Moscovici.
Moindre hausse
La dépense publique doit refluer en 2014, à 56,7% de la richesse nationale, après avoir atteint un pic cette année (57,1%). Concrètement, le gouvernement annonce qu'il va économiser 15 milliards d'euros en 2014, soit 80% de l'effort de réduction des déficits.
La plupart de ces baisses représentent une moindre hausse (+0,4%) par rapport à l'augmentation naturelle (0,8%). Mais l'Etat, à lui tout seul, fera 1,5 milliard net d'économies dans ses dépenses (hors charge de la dette et de pensions), "ce qui est inédit sous la Ve République", assure le tandem Moscovici-Cazeneuve. L'assurance maladie prendra en outre en charge 3 milliards d'économies, soit la moitié de la réduction des dépenses sociales.
Les collectivités territoriales et les opérateurs participeront à hauteur de 3,3 milliards. D'autres économies seront réalisées, notamment par la suppression de la prime d'apprentissage ou par une réforme des aides personnalisées au logement (APL).
Malgré une nouvelle taxe sur l'excédent brut d'exploitation récusée par le patronat, le projet se veut aussi très favorable aux entreprises qui, outre 10 milliards d'euros redistribués via le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), voient leurs prélèvements stabilisés. "Nous avons choisi de concentrer nos efforts sur une palette large de mesures pour la compétitivité des entreprises", a justifié Pierre Moscovici devant la commission des Finances de l'Assemblée nationale, en rappelant que l'investissement privé, "moteur essentiel de la croissance", était "celui qui reste le plus à la peine".
Bercy se garde de préciser que le CICE doit être essentiellement financé par la plus lourde mesure appelée à peser sur les ménages l'an prochain: le relèvement de 19,6 à 20% du taux normal de la TVA, et de 7 à 10% du taux intermédiaire. Cette hausse, votée l'année dernière, est comprise dans les 3 milliards d'augmentation nette des prélèvements obligatoires programmés dans le PLF, dont 2 milliards doivent provenir de la lutte contre la fraude fiscale.
Le projet présenté mercredi prévoit un nouveau taux record de prélèvements obligatoires en 2014, à 46,1% du produit intérieur brut (PIB), même s'il a été revu à la baisse fin août, à la faveur d'un rebond de croissance, par rapport à la prévision initiale (46,5%).
Scénario plausible
Parmi les augmentations d'impôts confirmées, la suppression de la niche sur les mutuelles ou la baisse du plafond du quotient familial doivent rapporter respectivement un milliard à l'Etat. Ces augmentations ont également pour objectif de financer les branches famille et retraite de la sécurité sociale.
La niche profitant aux parents d'étudiants ou d'enfants scolarisés dans le secondaire doit théoriquement disparaître mais Bercy a laissé la porte ouverte à son maintien, pendant le débat parlementaire, par les élus PS soucieux de préserver le pouvoir d'achat à l'approche des échéances électorales.
Sur ce front, près de 900 millions doivent être "reversés" aux catégories modestes l'an prochain par le biais de la réindexation du barème de l'impôt sur le coût de la vie (0,8% en 2013) et d'une revalorisation de 5% de la remise d'impôt sur les premières tranches. Par ce biais et grâce à "une amélioration progressive de l'emploi" qui viendrait soutenir les revenus, le gouvernement table sur un rebond du pouvoir d'achat de 0,3% en 2013 puis 0,9% l'année prochaine.
Bon point pour le gouvernement: les prévisions de croissance sur lesquelles Bercy appuie son projet (0,1% en 2013, 0,9% en 2014) sont jugées "plausibles" par le Haut conseil des Finances publiques, présidé par le sourcilleux Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes. C'est la première fois que ce Haut conseil remet un avis sur un projet de loi de finances initial, en vertu du nouveau cadrage européen qui prévoit que Bruxelles puisse sanctionner les pays en dérapage.
Paris annonce à ce titre un déficit de 4,1% du produit intérieur brut (PIB) en 2013, ramené à 3,6% en 2014, réaffirmant son objectif de "redescendre sous la barre des 3% fin 2015". Ceci n'empêche pas néanmoins une explosion de la dette publique, à 95,1% du PIB en 2014, avant un reflux l'année suivante. La charge de la dette demeure le premier poste de dépenses de l'Etat (46,7 milliards d'euros).