La Banca Monte dei Paschi di Siena (BMPS), au coeur d'un retentissant scandale financier en Italie ces dernières semaines, a assuré jeudi avoir mis de l'ordre dans les opérations toxiques plombant son portefeuille, tandis que le président de la BCE Mario Draghi, ex-gouverneur de la Banque d'Italie, a défendu le travail de surveillance de son institution.
L'analyse des trois opérations dites structurées "Alexandria", "Santorini" et "Nota Italia", mises en place par l'ancienne direction de la banque et dont la nocivité n'a été découverte qu'à l'automne 2012, a duré plusieurs mois et a permis de mettre à jour des "erreurs de traitement comptable", qui seront corrigées dans le bilan 2012, a-t-elle fait savoir.
Comme l'avaient laissé entendre ses dirigeants, la facture est salée: elle pourrait atteindre 730 M EUR, peut-être moins en cas d'effets fiscaux qu'il est encore trop tôt pour quantifier.
Le groupe, né en 1472 et considéré comme la plus vieille banque du monde, s'est voulu rassurant: "Nous avons achevé le travail d'analyse financière. Il n'y a pas d'autres Santorini", a déclaré le directeur général de la banque Fabrizio Viola en allusion à la plus coûteuse des trois opérations controversées (représentant 429 des 730 M EUR de pertes).
"A présent, j'espère que l'attention (dont fait l'objet la banque) va retomber à zéro", a-t-il soupiré lors d'une conférence téléphonique, alors que le groupe émerge de trois semaines de tempête et que les télévisions font le siège des institutions de Sienne, petite ville toscane de 50.000 habitants habituellement paisible.
L'affaire a déclenché l'ouverture d'une série d'enquêtes visant une dizaine de personnes, notamment son ancien président Giuseppe Mussari. La police financière a également saisi 40 millions d'euros rapatriés en Italie à la faveur d'une amnistie fiscale par des ex-dirigeants du groupe, dont l'ancien directeur financier Gianluca Baldassarri.
Tombée en pleine campagne électorale pour les législatives des 24-25 février, elle embarrasse aussi le gouvernement de Mario Monti et le Parti Démocrate, proche de l'actionnaire principal du groupe bancaire, de même que la Banque d'Italie et l'autorité boursière Consob, accusées d'avoir manqué de vigilance.
S'exprimant pour la première fois à ce sujet jeudi à Francfort, le président de la Banque centrale européenne (BCE) et gouverneur de 2006 à 2011 de la Banque d'Italie Mario Draghi a estimé que celle-ci avait "agi correctement et à temps", et rappelé que le Fonds monétaire international était du même avis.
"C'est moi qui ai signé les deux inspections" menées durant cette période par la banque centrale auprès de BMPS, a-t-il dit, soulignant qu'"il aurait été utile d'avoir plus de pouvoir". "Je ne veux pas prendre parti dans les élections en Italie mais vous devriez ramener ce que vous entendez ou lisez sur les blogs ou ailleurs, au niveau du bruit habituel que produit un contexte électoral", a-t-il ajouté.
M. Viola a par ailleurs coupé court aux rumeurs selon lesquelles BMPS pourrait fusionner avec l'un de ses pairs (ont été évoquées entre autres Deutsche Bank et BNP Paribas), bien que le groupe ait lui-même déclaré souhaiter à terme l'arrivée d'un investisseur "financier". "Je ne me laisse pas distraire par les articles parlant de mariage", a-t-il lancé, précisant: "Aujourd'hui il n'y a rien de rien" à dire sur ce plan.
Pour l'heure, BMPS est sur le point de bénéficier d'un prêt public de 3,9 mds EUR destiné à l'aider à respecter les exigences européennes en termes de fonds propres. Les "Monti bonds", comme ont été baptisées ces obligations réservées à l'Etat, seront émis dans les prochains jours, a indiqué M. Viola. Le remboursement, initialement prévu pour 2015, pourrait cependant être décalé d'une année, a souligné le directeur financier Bernardo Mingrone. Faute de restitution, la banque serait nationalisée.
Après ces clarifications, le titre BMPS, qui s'était effondré ces dernières semaines, grimpait de plus de 4% à la Bourse de Milan jeudi en fin d'après-midi.