par Julien Ponthus
BERLIN (Reuters) - Manuel Valls s'est livré mardi devant le patronat allemand à un plaidoyer en faveur des réformes mises en oeuvre par son gouvernement, s'insurgeant contre la caricature d'une France droguée à la dépense publique et incapable de se réformer.
Le Premier ministre, dont l'entourage a confié qu'il présenterait bientôt un "agenda" de réformes, a tenté de battre en brèche l'idée selon laquelle son gouvernement refuserait de mettre en oeuvre des réformes structurelles de grande ampleur.
"Je sais qu'il y a chez vous cette expression qui dit que la France refuse de se réformer", a dit Manuel Valls, invité de la puissante fédération allemande de l'industrie.
"Oui, la France avance", a-t-il lancé devant un parterre de chefs d'entreprise qui l'ont applaudi quand il a rappelé le plan de 50 milliards d'euros d'économies que son gouvernement compte mettre en oeuvre d'ici 2017.
Rejetant "les clichés", Manuel Valls a assuré que son engagement socialiste n'était en rien incompatible avec une politique de l'offre pour doper la compétitivité.
"J'aime les entreprises", a-t-il lancé en allemand, s'amusant des critiques suscitées par la même profession de foi prononcée lors de l'université d'été du Medef en août dernier.
Réforme territoriale, baisse des charges pour les entreprises, stimulation de la concurrence : Manuel Valls a passé en revue l'ensemble de sa politique économique tout en marquant la spécificité française par rapport aux réformes du marché du travail mises en oeuvre il y a une décennie par le chancelier social-démocrate Gerhard Schröder.
PAS DE COPIE DES RÉFORMES SCHRÖDER
"Il ne s'agit pas de répliquer les réformes que vous avez entreprises ici au cours des années 2000", a-t-il dit, conscient que, pour l'aile gauche du Parti socialiste, les "mini jobs" à l'allemande font figure d'épouvantail, tout comme les sacrifices consentis par les travailleurs allemands pendant une décennie.
"Une forte modération salariale n'est ni possible ni souhaitable" en France, a dit le Premier ministre, qui a profité de la tribune qui lui était offerte pour critiquer le bilan de l'ancien président Nicolas Sarkozy, dont le retour sur la scène politique est très commenté en Allemagne.
"Les responsables politiques par le passé les plus volontaristes (...) ont tenu des discours et n'ont pas fait les réformes nécessaires, vous voyez bien à qui je fais allusion", a-t-il dit, déclenchant les applaudissement de la salle.
Manuel Valls a aussi essayé de dissiper l'idée selon laquelle le but de son déplacement en Allemagne était de convaincre Angela Merkel de relancer l'économie de la zone euro via une politique d'investissement plus hardie.
Son appel lancé à l'Allemagne, lors de son discours de politique générale de mardi dernier, pour qu'elle "prenne ses responsabilités" a été très mal perçu Outre-Rhin.
Ulrich Grillo, le président de la fédération allemande de l'industrie (BDI) avait estimé avant l'arrivée du Premier ministre qu'il n'était "pas de la responsabilité de l'Allemagne de résoudre les problèmes de la France".
FAIRE ÉVOLUER LA DONNE DANS LA ZONE EURO
"Je ne demande pas à l'Allemagne, je ne l'ai pas demandé et je ne le demanderai jamais (...) de résoudre les problèmes et les défis de la France", a répondu Manuel Valls.
"Ce que j'ai dit (...) à la chancelière c'est que nous avons besoin de l'Allemagne pour favoriser une évolution de la donne économique dans la zone euro", a-t-il nuancé, reconnaissant que "cette idée n'est pas encore pleinement partagée".
"Une dynamique de salaires plus forte dans votre pays, la mise en place d'un salaire minimum devraient y contribuer, c'est la seule incise dans votre débat national que je permettrais de faire", a-t-il avancé.
Il a aussi tenu à rassurer le patronat allemand sur l'état des finances publiques françaises et à dissiper tout malentendu sur sa détermination à réduire les dépenses publiques.
Le chef du gouvernement avait promis en avril dernier, lors de son premier déplacement à Berlin en tant que Premier ministre, que la France tiendrait ses engagements budgétaires mais a dû se dédire en septembre face à une croissance et une inflation atone. Il a renvoyé de 2015 à 2017 l'objectif de faire passer les déficits publics sous la barre des 3% du PIB, a plaidé le repli tactique plutôt que la défaite.
"L'absence de croissance dans la zone euro nous oblige à adapter notre rythme (...), pas à renoncer", a-t-il promis, ajoutant que la France avait conscience que la "spirale de l'endettement n'est plus tenable".
(Edité par Yves Clarisse)