PARIS (Reuters) - Le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, a dénoncé mardi l'"instrumentalisation" politique de la mort d'un jeune homme sur le chantier du barrage de Sivens (Tarn) où, a-t-il affirmé, les forces de l'ordre ont été victimes de violences répétées.
Des responsables écologistes ont mis en cause la police et la gendarmerie, qui auraient réprimé les manifestants de façon très violente ces dernières semaines selon eux, à l'heure où une enquête est en cours pour comprendre les causes de la mort, dans la nuit de samedi à dimanche, de Rémi Fraisse, 21 ans.
Selon les premiers éléments de l'enquête, le jeune homme aurait été victime d'une explosion, mais la provenance et la nature de l'engin restent à déterminer.
Des élus d'Europe Ecologie-Les Verts disent avoir alerté les autorités sur la dégradation de la situation sur place depuis plusieurs semaines, sans avoir été entendus. Cécile Duflot, qui s'était rendue à Sivens il y a huit jours, a demandé la création d'une commission d'enquête parlementaire.
Mais d'autres sont allés plus loin, à l'image du député européen José Bové, qui a accusé directement les forces de l'ordre d'être à l'origine de la mort de Rémi Fraisse et a jugé le ministre de l'Intérieur "responsable" de la situation.
"Pourquoi mettre des policiers sur ce site alors qu'il n'y a rien à protéger?", a dit José Bové sur BFMTV. "C'est une provocation, parce qu'on a envie qu'il y a de l'affrontement. On a envie au niveau du ministère que les choses dérapent parce que si elles dérapent, ça discrédite le mouvement."
"Je pense que Bernard Cazeneuve ne se rend pas compte de ce qu'est la démocratie. Le fait de manifester est un droit (...) La démocratie est malade dans ce pays", a-t-il insisté.
"INSTRUMENTALISATION"
Le premier visé a jugé ces propos "absolument scandaleux".
"Les propos de José Bové qui accuse sans savoir, avant même que les enquêtes judiciaires n'aient été à leur terme, alors même qu'il sait qu'il y a eu (des) violences, sont des propos indignes qui relèvent de l'instrumentalisation d'un drame", a lancé le ministre de l'Intérieur devant la presse.
Bernard Cazeneuve a défendu l'action des forces de l'ordre à qui, a-t-il assuré, il a été demandé de faire un usage "proportionné de la force de manière à éviter que la violence engendre la violence".
Le ministre a mis en cause des "groupuscules" qui agissent selon lui en marge des manifestations pacifiques et ont pris pour cible les forces de l'ordre ou ont commis des exactions comme à Nantes, lundi, où un rassemblement à dégénéré.
"Il y a eu samedi comme les jours précédents, comme hier et avant-hier, un processus de harcèlement et de violences, continu, face auquel j'ai appelé à l'apaisement et à la retenue", a-t-il dit, après avoir fait un bilan des blessés dans les rangs des forces de l'ordre.
Selon Bernard Cazeneuve, 56 policiers et gendarmes ont été blessés depuis début septembre, ce qui a entraîné l'ouverture de 39 procédures judiciaires. Une quarantaine d'autres procédures concerneraient des dégradations de biens.
"Il appartient à chacun qui porte une parole publique d'être responsable et d'être dans la retenue. On ne peut pas procéder à des accusations avant que la justice ait été au bout de ces enquêtes", a insisté Bernard Cazeneuve.
"On ne peut pas non plus, dès lors qu'on est contre la violence, occulter des violences qui se sont produites et qui ont conduit à un engrenage funeste", a-t-il encore dit.
La passe d'armes ne semble pas près de s'achever puisque la patronne d'EELV, Emmanuelle Cosse, a aussitôt réagi en accusant Bernard Cazeneuve de sortir de son rôle.
"Quand on est ministre de l'Intérieur et qu'il y a un mort, on ne polémique pas", a-t-elle écrit sur son fil Twitter.
(Gregory Blachier, édité par Yves Clarisse)