Par Laura Sanchez
Investing.com - "Le mois de mars a été mouvementé sur les marchés financiers. Pour la première fois depuis longtemps, les craintes des investisseurs concernant l'inflation ont été reléguées au second plan. La raison en est l'inquiétude quant à la stabilité de plusieurs banques régionales américaines, puis de la plus ancienne banque suisse, qui a été touchée par des problèmes de liquidités. Les banques centrales ont immédiatement réagi en prenant d'importantes mesures d'urgence en matière de liquidités et de garanties afin de calmer les marchés financiers et les investisseurs et de contenir le risque d'une propagation de la crise de confiance dans le système financier.
Philipp E. Bärtschi, CIO chez J. Safra Sarasin Sustainable AM, explique la situation actuelle des banques centrales. "La conséquence est que le dilemme entre les risques d'inflation et de récession auquel les banques centrales étaient confrontées est devenu une véritable odyssée entre la garantie de la crédibilité de l'inflation et la stabilité financière. Cette situation a accru l'incertitude quant à l'orientation future de la politique monétaire et entraîné des mouvements erratiques des taux d'intérêt. La variation des rendements des obligations d'État américaines à deux ans dans les jours qui ont suivi la faillite des banques régionales américaines a été plus importante que jamais depuis le krach boursier d'octobre 1987", note-t-il.
Pour lui, les événements des dernières semaines devraient conduire les banques à resserrer davantage leurs normes de prêt déjà strictes et à augmenter les coûts de financement, ce qui devrait peser sur l'investissement et la demande des consommateurs. Les signes d'une récession imminente s'intensifient donc.
Renforcer la crédibilité par de nouvelles hausses des taux d'intérêt
"Les banques centrales ont poursuivi leur cycle de hausse des taux d'intérêt malgré les événements récents. Cela ne signifie pas que les autorités monétaires ne les prennent pas au sérieux. Au contraire, elles entendent poursuivre une double stratégie, avec d'une part des mesures de liquidité importantes pour stabiliser le système bancaire, et d'autre part de nouvelles hausses de taux d'intérêt pour réduire la demande et donc l'inflation, qui est encore trop élevée. L'ampleur de ces mesures de liquidité est illustrée par le bilan de la Réserve fédérale américaine, qui a augmenté de 400 milliards de dollars en deux semaines. Cela correspond à environ deux tiers du resserrement quantitatif des douze derniers mois", souligne M. Bärtschi.
"En ce qui concerne l'évaluation de la trajectoire future des taux d'intérêt, il y a actuellement une grande divergence entre les évaluations du marché et celles de la Réserve fédérale. Alors que les projections de taux d'intérêt des membres de la Fed, appelées "dot plot", indiquent une nouvelle hausse des taux, les contrats de taux d'intérêt prévoient des baisses de taux avant la fin de l'année. En tout état de cause, les obligations de haute qualité devraient continuer à trouver un soutien dans cet environnement", ajoute-t-il.
Un positionnement prudent s'impose
"Malgré les premiers signes de dommages collatéraux dans le secteur bancaire dus aux hausses brutales et rapides des taux d'intérêt par les principales banques centrales, le marché des actions a été assez solide. Dans l'ensemble, les pertes ont été faibles jusqu'à présent. Les actions européennes se négocient toujours au-dessus des niveaux du début de l'année et la chute depuis le pic de début mars a été d'environ 8 %, c'est-à-dire qu'on est loin d'un marché baissier. La situation est similaire pour les actions américaines. Toutefois, la probabilité accrue d'une récession aux États-Unis au cours des 12 prochains mois ne constitue pas un environnement positif pour la classe d'actifs. Les bénéfices et les marges des entreprises devraient rester sous pression et les valorisations devraient baisser en raison de l'aversion accrue pour le risque. Dans ce contexte, il est préférable de privilégier les segments défensifs du marché et les entreprises présentant des bilans solides", explique M. Bärtschi.
L'incertitude reste élevée
Selon M. Bärtschi, "les récentes turbulences devraient progressivement s'atténuer grâce aux mesures importantes prises par les principales banques centrales. Nous estimons qu'il est peu probable que les défaillances bancaires s'étendent à l'ensemble du secteur financier et conduisent au développement d'une crise systémique. Les banques américaines et européennes ont des bilans et des ratios de couverture des liquidités beaucoup plus solides qu'au moment de la crise financière mondiale. Toutefois, l'incertitude quant à un rétablissement durable de la confiance dans le système bancaire est grande. Les investisseurs continueront donc à surveiller l'évolution du secteur.