L'Autorité des marchés financiers (AMF) a bouclé l'affaire des délits d'initiés d'EADS, la plus importante qu'elle ait eu à traiter, en mettant hors de cause l'ensemble des dix-sept protagonistes et les trois entreprises concernées, à la satisfaction des intéressés.
L'Association des petits porteurs actifs (Appac) a regretté cette décision dans un communiqué diffusé dans la nuit de jeudi à vendredi.
"L'Appac s’étonne du revirement de l’Autorité des marchés", affirme-t-elle dans un communiqué. Pour l'association des petits actionnaires, l'AMF, en blanchissant notamment Noël Forgeard, l'ancien coprésident du groupe européen d'aéronautique et de défense, "s’orienterait, de ce fait, vers la réintégration de monsieur Forgeard au poste de PDG d'EADS".
Vers 20H00, l'AMF a mis fin à un suspense qui durait depuis la fin d'après-midi, en révélant à la presse et aux mis en cause sa décision qui était très attendue, au terme de trois ans d'enquête.
Noël Forgeard, l'ancien coprésident d'EADS, soupçonné de s'être enrichi en vendant 293.000 actions et d'avoir réalisé une plus-value de 3,7 millions d'euros, a été entièrement blanchi. Il risquait théoriquement jusqu'à 37 millions d'euros d'amende.
Autres personnes concernées: l'actuel président d'Airbus, l'Allemand Thomas Enders et son directeur commercial l'Américain John Leahy ont également été lavés de tout soupçon par la commission des sanctions de l'AMF.
Le gendarme de la Bourse de Paris a ainsi estimé que les dix-sept personnes soupçonnées, et qui s'étaient toujours déclarées innocentes, n'avaient pas utilisé d'information privilégiée pour s'enrichir indûment.
Elle a également blanchi les trois sociétés mises en cause, dont EADS qui était soupçonnée de ne pas avoir communiqué de façon satisfaisante au marché, ainsi que ses actionnaires privés, l'allemand Daimler et le français Lagardère.
La commission des sanctions, qui a seule le pouvoir de sanctionner au sein de l'AMF, a donc écarté tous les griefs notifiés.
Elle a estimé que les protagonistes n'avaient pas d'information privilégiée relative à la révision du projet de long-courrier A350 ou concernant les perspectives financières d'EADS plus mauvaises que prévu.
Plus important, cette commission a récusé l'hypothèse mise en avant par son rapporteur, selon laquelle sept anciens ou actuels dirigeants du groupe ont profité de leurs connaissances des retards de l'A380 pour vendre leurs actions.
Mi-juillet, Antoine Courteault, rapporteur de la commission des sanctions, avait recommandé de sanctionner sept personnes, dont Noël Forgeard pour qui il préconisait une amende de 5,45 millions d'euros. Il n'a donc pas été suivi par la commission dont il fait pourtant partie.
Anticipant d'éventuelles critiques, Jean-Pierre Jouyet, président de l'AMF, a souligné dès jeudi soir que cette décision était un "jugement de droit et non un jugement politique", et que l'Autorité devait en "tirer les enseignements pour mieux travailler à l'avenir".
Réagissant de son côté, le groupe EADS s'est dit "satisfait" que l'AMF ait reconnu qu'il "a respecté en tous points ses devoirs d’information des marchés, notamment s’agissant des risques inhérents au programme A380 et à son développement".
Arnaud Lagardère, à la tête du groupe éponyme, a déclaré que c'était "un soulagement" et s'est dit "heureux pour tous les salariés du groupe".
Noël Forgeard a dit pour sa part se réjouir d'une décision qui "vient de laver un soupçon entretenu depuis plus de trois ans".
Commencée en 2006, cette affaire est revenue sur le devant de la scène fin novembre, quand les anciens et actuels dirigeants d'EADS et d'Airbus ont été auditionnés à huis clos par la commission des sanctions.
La décision de l'AMF vient donc mettre un point final à cette affaire du point de vue administratif, mais une enquête pénale a également été ouverte en novembre 2006 et n'est pas encore achevée.