Le gouvernement irlandais a présenté jeudi la facture finale du sauvetage de la banque Anglo Irish, d'un montant astronomique qui va faire enfler le déficit public à 32% du PIB cette année, mais Dublin espère que cette opération-vérité va enfin calmer les marchés.
Le déficit irlandais, qui était prévu jusqu'ici à 11,6% du Produit intérieur brut en 2010, va finalement gonfler de 20 points supplémentaires, et la dette publique, qui s'élevait à 64% fin 2009, devrait frôler 100% du PIB, a annoncé le ministre des finances Brian Lenihan.
Ce déficit historique, le plus élevé jamais essuyé par un pays de la zone euro, est lié aux nouvelles aides que Dublin va devoir fournir à son secteur bancaire naufragé, qui croule sous les pertes en raison de créances pourries accumulées avant la crise financière, au temps où les banques irlandaises finançaient des chantiers immobiliers à tout-va.
"Le peuple irlandais a le droit d'être en colère contre les banquiers qui ont prêté sans relâche sur une période de temps considérable", a assuré M. Lenihan. "Les chiffres sont horribles, mais nous pourrons les gérer sur une période de 10 ans", a-t-il néanmoins ajouté.
Le coût du sauvetage de la banque Anglo Irish, qui avait dû être nationalisée en catastrophe début 2009, a été à lui seul relevé à 29,3 milliards d'euros, contre 25 milliards précédemment.
Il s'agit de l'estimation jugée la plus probable par les autorités, mais celles-ci ont calculé que, dans la pire des hypothèses, le coût du sauvetage pourrait atteindre 34,3 milliards d'euros.
Cela reste toutefois largement en deçà des 40 milliards évoqués par les économistes les plus pessimistes, et les annonces de Dublin semblent avoir eu l'effet escompté sur les marchés financiers, le taux des obligations irlandaises à 10 ans s'est détendu ce jeudi.
L'Etat irlandais devra également verser une rallonge de 2,7 milliards d'euros à la banque mutualiste INBS, qu'il avait aussi été contraint de nationaliser, et aidera à se recapitaliser le groupe Allied Irish Banks (AIB), qui doit récolter en tout 10,4 milliards d'euros avant la fin de l'année.
Paradoxalement, le gouvernement espère que ces annonces fracassantes aideront à calmer durablement les inquiétudes sur la solvabilité à long terme du pays, et les craintes récurrentes d'un appel à l'aide de l'Union européenne ou du FMI.
M. Lenihan a plaidé que laisser l'Anglo Irish Bank faire faillite aurait eu des conséquences encore plus désastreuses pour le pays, estimant que l'opération-vérité du gouvernement mettait un point final au "problème" du secteur bancaire irlandais.
Il a par ailleurs maintenu l'engagement de l'Irlande à ramener son déficit en-dessous de 3% du PIB en 2014 et promis de présenter début novembre un plan détaillé pour remplir cet objectif.
Enfin, il a évoqué des économies supérieures aux 3 milliards jusqu'ici prévus pour le budget 2011, qu'il présentera cet automne et qui constituera le quatrième plan d'austérité adopté par Dublin en deux ans.
Bruxelles a adressé un satisfecit immédiat à l'Irlande et à la "clarté" de ses annonces.
Le chef de file des ministres des Finances de la zone euro, Jean-Claude Juncker, s'est dit "parfaitement confiant dans la capacité des autorités irlandaises à résoudre" leurs problèmes, "sans avoir recours au Fonds européen de sauvetage" auquel seule la Grèce a pour l'instant eu recours.