Face au durcissement du conflit sur la réforme des retraites, l'exécutif a lâché jeudi un peu de lest sur la retraites de certaines mères de trois enfants et de parents de handicapés, déjà jugé insuffisant par les syndicats, mais est resté ferme sur les 62-67 ans.
Alors que les préavis de grève illimitée à partir de la journée d'action du 12 octobre se multiplient (SNCF, RATP, Poste etc.) des lycéens ont commencé à descendre dans la rue.
Jeudi avant la reprise des débats sur la réforme au Sénat, Nicolas Sarkozy a réuni à l'Elysée Eric Woerth (Travail) et Georges Tron (Fonction publique) avec les dirigeants de sa majorité sénatoriale et décidé de proposer deux "avancées" pour tenter de désamorcer la contestation.
Des amendements qu'Eric Woerth a présentés aux sénateurs dès l'ouverture de la séance, et déjà jugés "insuffisants" par l'opposition et les syndicat. "Le gouvernement nous mène dans une impasse", a dit Laurent Fabius (PS). "Ce ne sont pas des amendements de nature à modifier la critique fondamentale sur le projet", a déclaré Bernard Thibault (CGT).
Le premier amendement permet aux mères d'au moins trois enfants, nées entre 1951 et 1955 et qui ont arrêté de travailler, de continuer à bénéficier d'une retraite sans décote à 65 ans. 130.000 femmes sont concernées.
Le deuxième amendement maintient à 65 ans l'âge d'annulation de la décote pour les parents d'enfants lourdement handicapés.
Quelques minutes après cette annonce un communiqué était diffusé par l'Elysée indiquant que le chef de l'Etat avait demandé au gouvernement de déposer "sans délai" des amendements sur les mères de familles nombreuses et les parents d'enfants handicapés.
La majorité au Sénat, dont son président Gérard Larcher (UMP) et les centristes arbitres des votes - l'UMP n'ayant plus la majorité absolue -, réclamaient ce geste.
L'exécutif n'a en revanche rien lâché sur les bornes d'âge : le relèvement progressif de l'âge légal de départ à la retraite à 62 ans et celui de la retraite sans décote à 67 ans en 2023.
Loin de calmer les esprits, les annonces ont envenimé le débat, faisant ressembler le placide Sénat à la houleuse Assemblée Nationale.
"Vous théâtralisez les débats", a lancé le président du groupe PS, Jean-Pierre Bel. "Vous êtes le ministre de la réclame, vous nous avez fait un spot publicitaire pour les ménagères de 55 à 60 ans", a pesté Jean Desessard (Verts) à l'adresse d'Eric Woerth.
"Respectez le gouvernement, ne mettez pas sans arrêt des propos d'une violence extrême, le gouvernement a le droit de demander des amendements", a rétorqué M. Woerth.
"Il y en a marre de vos leçons", a lancé Philippe Dallier (UMP).
La majorité veut maintenant aller vite et par le biais de moyens de procédure, tenter de contourner l'offensive parlementaire de la gauche.
La présidente de la commission des Affaires sociales, Muguette Dini, a demandé ainsi la discussion en priorité des deux articles clés (5 et 6) portant sur les bornes d'âge 62-67 ans à partir de jeudi soir. Il s'agit pour l'exécutif d'essayer de les faire voter avant la journée d'action du 12 octobre. Il restait plus de 1.000 amendements à examiner jeudi après-midi.
Guy Fischer (CRC-SPG, communistes et parti de gauche) a dénoncé un "coup de force" pour faire passer les "deux articles scélérats" avant le 12 octobre.
Le président du Sénat, Gérard Larcher, ne devrait toutefois pas suivre la voie de son homologue de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer qui avait suspendu le débat. "Nous irons au bout du débat", a-t-il promis.
Le Sénat a décidé de siéger dans la nuit de vendredi à samedi pour continuer de débattre.