Le durcissement des grèves dans le secteur pétrolier a poussé le gouvernement à autoriser jeudi les industriels et les transporteurs à puiser dans des "stocks de réserve" de carburants, pour contrer la menace d'une pénurie accélérée par la ruée des automobilistes sur les pompes à essence.
Le gouvernement a autorisé le déblocage "des réserves propres des opérateurs" pétroliers "qui représentent entre 10, 12 jours de consommation", a annoncé le secrétaire d'Etat aux Transports Dominique Bussereau jeudi.
Le ministère de l'Energie a assuré qu'il ne s'agissait en aucun cas des "stocks stratégiques" de pétrole, constitués pour faire face à une rupture d'approvisionnement liée à un état de crise international.
Ces stocks ont été utilisés pour la dernière fois en 2005, suite aux dégâts causés par les ouragans Katrina et Rita sur les plates-formes pétrolières du Golfe du Mexique.
"Stocks de réserve et stocks stratégiques, c'est le même concept mais le gouvernement ne veut pas employer ce terme pour des raisons de communication", a cependant indiqué une source proche du dossier.
La France dispose de 17 millions de tonnes (Mt) de pétrole brut et de produits pétroliers dans ses stocks stratégiques, représentant 98,5 jours de consommation, soit plus que les obligations fixées par l'Union européenne (90 jours).
Ils sont gérés par le Comité français des stocks stratégiques pétroliers (qui en contrôle 12,5 Mt), et par les opérateurs pétroliers qui en conservent une partie dans leurs dépôts pétroliers.
La Fédération nationale des transports routiers (FNTR), principale organisation du secteur, et l'Union française des industries pétrolières (Ufip) avaient demandé dans l'après-midi le feu vert du gouvernement pour recourir aux stocks stratégiques de pétrole.
"En moyenne, nous avons un peu plus de 10 jours de réserve dans nos dépôts. Nous demandons l'autorisation de puiser dans les stocks de réserve disponibles chez les distributeurs, pour alimenter les consommateurs au-delà de ces dix jours", avait expliqué Jean-Louis Schilansky, président de l'Ufip.
Dix des 12 raffineries françaises sont affectées par les grèves. Huit d'entre elles, représentant 70% des capacités du secteur, étaient à l'arrêt ou en cours d'arrêt jeudi, les quatre autres fonctionnaient à "un débit plus ou moins réduit", selon l'Ufip.
Mais les dépôts de carburants, ciblés par les manifestants contre la réforme des retraites, sont le nouvel enjeu: les plus importants du pays sont paralysés à Donges (Loire-Atlantique), Fos (Bouches-du-Rhône), Bassens (Gironde), Le Havre (Seine-Maritime), Saint-Baussant (Meurthe-et-Moselle) et Vatry (Marne).
Les industries pétrolières "avaient prévu la grève, donc avaient organisé le remplissage des cuves, c'est pourquoi il y a maintenant des initiatives de blocage des dépôts, cela va précipiter la pénurie... qui n'est pas un but en soi", a expliqué Christian Votte, délégué CGT chez Total.
L'Ufip a demandé au gouvernement le déblocage de ces dépôts pétroliers. "Nous sommes inquiets de voir nos stations qui ferment parce qu'elles sont en rupture d'approvisionnement", a abondé affirmé Alexandre de Benoist, de l'UIP, qui représente la grande distribution (Carrefour, Casino, Cora et Auchan).
Tout en assurant jeudi matin qu'"il n'y aura pas de pénurie d'essence à la pompe", Dominique Bussereau a appelé les automobilistes à ne pas paniquer ni se précipiter sur les stations-service pour faire le plein par précaution.
La consommation d'essence a augmenté cette semaine de 50% en raison de la ruée des automobilistes à la pompe, selon le secrétaire d'Etat.
Dans certains supermarchés, on remarque même un "doublement de la consommation par rapport à l'an dernier", selon M. de Benoist.