La Banque centrale européenne (BCE) a estimé jeudi que les réformes proposées par les pays européens pour renforcer la discipline budgétaire dans l'UE n'allaient pas assez loin, tout en délivrant un message globalement positif pour la croissance en zone euro.
Les grandes lignes de réformes sur lesquelles les pays de l'Union européenne se sont mis d'accord à Bruxelles la semaine dernière "représentent un renforcement du cadre existant" mais "ne vont pas assez loin" au vu du "bond en avant" nécessaire, a déclaré le président de la BCE Jean-Claude Trichet lors d'une conférence de presse.
Les gardiens de l'euro sont "inquiets qu'il n'y ait pas suffisamment d'automaticité de la surveillance" du respect des règles budgétaires et d'endettement fixées par Bruxelles, a insisté M. Trichet.
La BCE est "favorable à une très forte conditionnalité, pour éviter qu'un (mécanisme d'aide) permanent n'incite à des politiques fiscales laxistes", a-t-il encore ajouté.
M. Trichet a exposé sa position aux chefs d'Etat et de gouvernement à Bruxelles la semaine dernière, et l'échange a été "assez tendu", a-t-il confié.
"Il est de notre devoir de dire sereinement, simplement mais fermement ce que nous voyons et ce à quoi nous croyons. Je ne suis pas en train de prédire des catastrophes", a assuré M. Trichet.
Le Français s'est montré moins disert sur la décision de la Réserve fédérale américaine (Fed) d'injecter 600 milliards de dollars dans l'économie aux Etats-Unis, pour soutenir la reprise et les prix.
"Je n'ai pas d'indication qui pourrait me faire changer d'opinion sur le fait que (la Fed et le gouvernement américain) ne suivent pas une stratégie du dollar faible", a-t-il estimé.
L'euro s'est pourtant nettement apprécié dès l'annonce de la Fed, évoluant au-delà du seuil de 1,42 dollar jeudi pour la première fois depuis janvier. Un euro trop fort nuirait aux exportations de la zone euro, et donc à la croissance, préviennent les économistes.
Mais M. Trichet a gardé un ton optimiste sur la croissance en zone euro. Son évolution reste "positive" et la reprise mondiale devrait continuer à soutenir les exportations, bien que des "incertitudes demeurent".
En conséquence la BCE a gardé son principal taux directeur inchangé à 1%, son plus bas niveau historique auquel il stationne depuis un an et demi.
L'asymétrie des économies européennes ne l'inquiète pas outre mesure: "Je suis très heureux que des pays connaissent une croissance rapide, comme l'Allemagne", pendant que d'autres sont en phase d'ajustement, a-t-il estimé.
La BCE a lancé depuis mai un programme d'achats d'obligations publiques, destiné à limiter les tensions sur les emprunts des pays en difficulté financière, comme la Grèce, le Portugal, l'Irlande et l'Espagne.
"Vous allez voir que le programme existe", a lancé M. Trichet aux journalistes, sous-entendant que la BCE était intervenue sur les marchés ces derniers jours, après plusieurs semaines d'inactivité.
Ce programme inédit dans l'histoire de la BCE est critiqué au sein de l'institution par Axel Weber, le président de la Bundesbank et prétendant officieux à la succession de M. Trichet à l'automne 2011.
La BCE se nourrit de "différents points de vue et d'expériences", a commenté le Français, ajoutant avec le sourire: "je crois profondément dans la sagesse collégiale".
Il a par ailleurs donné rendez-vous début décembre pour une décision sur le calendrier du retrait des mesures non conventionnelles de la BCE.