Derrière la moisson annoncée d'une quinzaine de milliards d'euros, le bilan commercial de la visite du président chinois Hu Jintao en France reste contrasté, avec des contrats en deçà des attentes ou recyclant parfois des accords scellés bien avant.
"On a signé des contrats très significatifs", "très porteurs", se sont félicités le leader mondial du nucléaire Areva et le constructeur aéronautique Airbus, en échos à l'engouement de la présidence française, désireuse de tourner la page de la brouille diplomatique de 2008.
Areva et Airbus se sont taillés la part du lion, dans les 20 milliards de dollars (environ 14 milliards d'euros) de contrats, signés en grande pompe jeudi à Paris.
Ces contrats sont importants à l'échelle de la France "qui exporte entre 12 et 15 milliards d'euros par an en Chine contre 60 milliards pour l'Allemagne", relève Patrick Artus, co-auteur d'un rapport sur l'évolution des relations Europe-Chine rédigé pour le gouvernement français.
La manne apparaît d'autant plus vitale que la Chine est le pays qui pèse aujourd'hui le plus lourd dans le déficit commercial de la France (20 milliards d'euros en 2009).
Mais le pactole global est inférieur à ce qu'avait promis l'Elysée et aux attentes affichées par les industriels avant la visite de M. Hu.
Sur les 102 avions compris dans les contrats Airbus pour 14 milliards de dollars (9,85 milliards d'euros), seuls 66 avions sont des nouvelles commandes. Les 36 autres avaient été achetés fin 2007. Et Airbus en espérait 50 de plus, selon la presse.
De son côté, Areva, dont la présidente Anne Lauvergeon se félicite du "contrat géant" de 2,5 milliards d'euros pour la fourniture de 20.000 tonnes d'uranium à l'électricien chinois CGNPC, avait laissé entendre qu'il s'attendait à une commande ferme de deux réacteurs EPR supplémentaires.
En outre, le contrat signé jeudi ne fait que remplacer un précédent accord remontant à 2007, qui prévoyait déjà des livraisons d'uranium.
Ces contrats "témoignent d'un rapprochement sur le plan politique et économique. Après, il y a sûrement quelques effets d'annonces", résume Philippe Hugon, directeur de recherches à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris).
"C'est du marketing. On recycle tout ce qui était un peu dans les tuyaux. C'est un cliché instantané d'un processus qui s'étale sur des années", renchérit Patrick Artus.
Car, explique-t-il, les relations commerciales avec la Chine se font sur le long terme, sont "très compliquées, avec souvent des entreprises partenaires qui sont en lien avec le pouvoir".
Pour lui, le réel sujet qu'il faut régler entre la Chine et l'Europe est "l'asymétrie dans l'ouverture des marchés", Pékin protégeant de plus en plus ses frontières alors qu'il s'impose de plus en plus en Europe.
"En Chine, il y a 51 secteurs d'activités ou les étrangers n'ont pas le droit d'opérer" dont les télécoms, l'aérien ou encore les média, rappelle M. Artus.
Avec une volonté affichée d'être autonome dans une trentaine de secteurs, la Chine est aussi gourmande en transferts de technologie, lorsqu'elle n'a pas déjà dépassé les autres (TGV le plus rapide du monde).
Sur ce point, "la question de fond, c'est de savoir si les chinois veulent continuer à coopérer avec nous ou s'ils veulent faire le plus vite possible et sans nous", relève M. Artus.
En l'occurrence, les Chinois sont de plus en plus en position de force, "jouant sur le manque de coordination européenne et la concurrence", souligne Bei Xu, analyste chez Natixis.
Surtout, estime M. Hugon,"la Chine ne joue déjà plus dans la même cour que la France et le prochain G20 sera en grande partie un G2 (entre Chine et Etats-Unis), même s'il est présidé par la France".