Plus de sucre, plus de gras et toujours plus de viandes. La hausse de la production alimentaire mondiale dans les dix ans qui viennent devrait permettre de satisfaire une consommation demande qui se diversifie dans les pays en développement, sans exclure le risque d'un "choc grave" sur les marchés.
Dans leur rapport conjoint sur les "Perspectives agricoles 2015-2014", présenté mercredi, l'Organisation des Nations unies pour l'Agriculture et l'Alimentation (FAO) et l'Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE, 34 pays) envisagent à la fois l'évolution des productions et celle des consommations, liées à la démographie et à la progression des revenus.
Plutôt rassurants, ces organisations anticipent des prix agricoles en baisse pour la décennie qui vient, tels les cours des céréales qui ont entamé leur décrue ces deux dernières années, en raison de l'abondance de l'offre.
Cependant, préviennent-ils, les cours restent stabilisés à un niveau relativement élevé, bien supérieur en tout cas au début des années 2000, avant la flambée de 2007-2008 qui avait provoqué la dernière crise alimentaire en date.
"Les marchés reviennent à des conditions plus normales après une période d'extrême volatilité, principalement parce que la production croît plus vite que la demande, affectée par les conditions macro-économiques mondiales et grâce à la baisse des prix du pétrole", explique à l'AFP Boubaker ben Belhassen, directeur de la division du Commerce et des Marchés à la FAO.
De fait tout concourt à peser sur les prix, à commencer par les meilleurs rendements en Asie, Europe et Amérique du Nord et la conquête de nouvelles terres agricoles en Amérique du Sud. Mais aussi un taux de croissance mondiale de 3% depuis sept ans et un ralentissement des échanges agricoles, la demande des pays en développement tendant à se stabiliser après dix ans d'envolée.
La Chine illustre déjà cette tendance, qui a réduit au premier semestre 2015 de moitié ses importations de poudre de lait par rapport à 2014, contribuant à enfoncer les cours.
Par ailleurs, les exportations de produits agricoles de base resteront concentrées au sein d'un Club des Cinq - Etats-Unis, Union européenne, Russie, Brésil, Argentine - vers un nombre d'importateurs au contraire toujours plus nombreux, particulièrement vulnérables en cas de crise chez les fournisseurs. A l'instar de la sécheresse américaine dévastatrice en 2012.
L'étroitesse géographique de l'offre accroit les risques de marché, notamment ceux liés aux catastrophes naturelles ou aux crises politico-commerciales, préviennent les auteurs pour qui "il est très probable que les marchés internationaux connaissent au moins un choc grave au cours des dix ans qui viennent".
- L'Afrique, toujours vulnérable -
"Nos différents scénarios envisagent une variation moyenne des prix autour de 15 à 20%, sans exclure que les prix puissent grimper bien plus haut", confirme M. ben Belhassen.
Alors que le rapport consacre un chapitre entier au Brésil, apte à répondre aux demandes mondiales en sucre, soja et viande, "les principaux risques associés à ces perspectives optimistes concernent les résultats macroéconomiques du Brésil, le rythme des réformes structurelles et des facteurs exogènes, dont la demande d'importations de la Chine".
Chez les importateurs, l'Afrique reste particulièrement vulnérable, constate le responsable de la FAO: "Les rendements restent très bas. Ce sont des choix politiques et d'investissements. Mais le continent risque de devoir importer toujours plus ce qui accroît sa fragilité aux chocs".
Car la demande se redéfinit surtout dans le monde en développement où la croissance démographique, même moins rapide, se conjugue à la hausse des revenus et à l'urbanisation. L'Afrique n'y échappe pas. Premier effet, la hausse de la consommation de protéines animales, lait et viandes, qui profite surtout à la volaille, la mois chère et la plus durable, écologiquement.
Ainsi, les céréales restent les produits agricoles les plus consommés au monde, avec une augmentation prévue de près de 400 millions de tonnes d'ici 2024. Mais sur la décennie écoulée, plus d'un tiers (36%) des gains de productions enregistrés étaient destinés au fourrage pour le bétail.
Les calories tirées des céréales n'augmenteront plus que de façon marginale, alors que "la consommation croissante d'aliments pratiques et pré-cuisinés entraîne une hausse de la demande de sucre et d'huiles végétales" - ingrédients de base, avec le sel, de la malbouffe: pour ces deux produits, la consommation devrait croître respectivement de +1% et de 0,85% par habitant et par an dans les dix ans qui viennent. A "plus de 95% dans les pays en développement".