PARIS (Reuters) - Le gouvernement a présenté mercredi un plan d'urgence représentant un soutien qui pourra aller jusqu'à 1,1 milliard d'euros pour tenter d'enrayer la crise de l'élevage due au surendettement et à l'érosion des prix de production.
Quelques heures après l'annonce de ses 24 mesures par le Premier ministre Manuel Valls et le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll, les éleveurs qui bloquaient des routes dans l'ouest de la France ont commencé à lever leurs barrages, exprimant une relative satisfaction teintée de prudence.
Ce plan représente un soutien financier pouvant se monter à 1,1 milliard d'euros et un coût net pour l'Etat de 200 millions d'euros.
Il "va dans le bon sens", a estimé Xavier Beulin, président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), qui a toutefois ajouté que le gouvernement "ressert quand même beaucoup de choses" déjà enclenchées.
Il a insisté sur la priorité qui doit selon lui être donnée à l'augmentation des prix payés aux producteurs et à la promotion du "né, élevé et transformé" en France face aux concurrents des autres pays.
Laurent Pinatel, porte-parole du syndicat agricole minoritaire, la Confédération paysanne, qui prône un modèle de production moins intensif, a été plus négatif.
"On a remis de l'essence dans la voiture, mais la voiture fonce dans le mur", a-t-il déclaré sur iTELE.
"SOLUTIONS DURABLES"
Sur le terrain, les barrages installés par les éleveurs en colère ont été progressivement levés mercredi en milieu d'après-midi en Maine-et-Loire, en Vendée et dans le Calvados, même si certaines actions "coup de poing" ont été maintenues.
"On a obtenu des choses mais on va rester mobilisés pour voir si les paroles vont être suivies d'actes et si on a besoin de remettre la pression, on remettra la pression", a déclaré sur BFM TV Loïc Bailleul, vice-président de la FDSEA Calvados, qui avait entamé le mouvement en bloquant des accès à Caen.
En Rhône-Alpes en revanche, les agriculteurs entendaient poursuivre leur mouvement de blocage des grands axes de la région où Xavier Beulin est attendu jeudi après-midi.
"Des convois de tracteurs se positionneront à partir de 20 heures et au cours de la nuit sur les axes autoroutiers pénétrants pour bloquer les entrées Nord, Est et Sud de Lyon", indique le porte-parole de la FDSEA Jean-Pierre Royannez dans un communiqué, précisant que le blocage se poursuivrait jeudi.
Les exploitants disent attendre "des réponses concrètes sur la revalorisation des prix à la production".
Pour Manuel Valls, les éleveurs de bovins, vaches laitières et porcs expriment "une colère, une angoisse, une détresse que nous percevons depuis longtemps".
"Notre ambition, c'est de gérer la situation d'urgence mais surtout d'apporter des solutions durables", a-t-il dit.
A l'adresse de l'opposition qui a attaqué le plan d'urgence lors des questions d'actualité à l'Assemblée - il "n'est pas à la hauteur de la crise de l'agriculture française, a dit dans un communiqué l'ancien président Nicolas Sarkozy - Manuel Valls a répondu qu'il ne fallait pas "exploiter à des fins politiques la détresse" des éleveurs en "perdant la mémoire".
La fin des quotas laitiers au 1er avril dernier, qui est en partie responsable de la chute actuelle des cours, a en effet été décidée en 2008 avant l'arrivée de François Hollande au pouvoir et les prix de la viande sont de longue date déprimés.
Dans le plan détaillé par Stéphane Le Foll, des centaines de millions d'euros seront mobilisés pour restructurer la dette des éleveurs et alléger leurs charges fiscales et sociales.
"Le gouvernement demandera une restructuration de l'ensemble des dettes de long et moyen termes pour les éleveurs qui le souhaitent avec un accent pour les jeunes agriculteurs et les investissement récents", a expliqué le ministre.
DÉPLACEMENT "AGRICOLE" DE HOLLANDE
La dette bancaire, mais aussi celle due aux fournisseurs seront prises en compte dans la restructuration.
La promotion des exportations de produits français bénéficiera de 10 millions d'euros et les consommateurs seront invités à acheter les produits "Made in France" grâce à un étiquetage comprenant aussi les produits transformés.
Le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, a assuré que toutes ces mesures ne contrevenaient pas aux règles de concurrence de la Commission européenne.
"Ce sont des mesures ad hoc qui ne peuvent en aucun cas être qualifiées d'aides d'Etat, les vérifications ont été faites", a-t-il déclaré lors de la même conférence de presse.
Stéphane Le Foll devait de nouveau réunir mercredi l'ensemble des acteurs afin d'obliger notamment les industriels à respecter leurs engagements de hausse de prix aux producteurs de viande et de lait, comme l'avait fait François Hollande.
A la question de savoir qui est responsable de cette situation, Stéphane Le Foll, qui a fait état de progrès, a refusé de désigner des "boucs émissaires" tout en précisant : "Les engagements de la grande distribution ont été respectés".
François Hollande se rendra jeudi à Dijon (Côte d'Or) où il s'entretiendra à la préfecture avec des organisations professionnelles agricoles avant de visiter un domaine viticole a-t-on appris dans l'entourage du président.
(Service France, édité par Yves Clarisse)