Après l'annonce du départ anticipé de Jean-Michel Lemétayer, la FNSEA va devoir choisir jeudi un nouveau président entre deux candidats, aux profils opposés, l'un incarnant les problématiques de l'agriculteur, l'autre proche des milieux économiques et financiers.
Patron depuis 2001 de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), premier syndicat agricole français, Jean-Michel Lemétayer a annoncé la semaine dernière à la surprise générale qu'il passait la main et qu'un conseil d'administration se tiendrait le 16 décembre pour élire son onzième président.
M. Lemétayer quitte ses fonctions un peu plus de trois mois avant la fin de son mandat, prévu fin mars lors du Congrès de la FNSEA à Saint-Malo (Ille- et-Vilaine). C'est une sortie "programmée, préparée" et qui n'a rien d'une démission, a-t-il assuré.
Ce départ anticipé vise surtout à calmer les tensions grandissantes au sein du syndicat où la "bataille fait rage" pour la succession, relève-t-on de source proche du dossier.
Les 69 membres du conseil d'administration devront se prononcer à la majorité entre Dominique Barrau, actuel secrétaire général et à ce titre numéro 2 de la FNSEA, et Xavier Beulin, premier vice-président.
Rarement une élection aura suscité autant de passions à la FNSEA où d'ordinaire le choix du président fait l'objet d'un consensus. C'est dire combien le monde agricole est désorienté après la grave crise des derniers mois.
En dépit des appels à l'unité de Jean-Michel Lemétayer qui ne veut pas d'un "binôme" pour lui succéder, les deux postulants ont décidé d'aller jusqu'au bout. "Il y aura bien un premier tour", assure-t-on à la FNSEA.
Les deux prétendants ont des profils fortement contrastés.
Eleveur à Luc, près de Rodez (Aveyron), d'un caractère réservé, Dominique Barrau, 55 ans, est un homme de terrain. Il est notamment chargé du réseau du syndicat et des questions d'aménagement du territoire.
Comme pour marquer sa différence, il a organisé samedi une conférence de presse dans son exploitation, au milieu de ses vaches. Il a plaidé pour un syndicalisme agricole qui "permette à l'agriculteur de garder sa liberté d'action" entre l'industrie agroalimentaire et la distribution.
Céréalier dans le Loiret, Xavier Beulin, 51 ans, multiplie les casquettes dans les organisations du secteur agricole, soit plus d'une douzaine de présidences ou de vice-présidences. A la FNSEA, il est chargé de l'international et notamment la politique agricole commune (PAC).
Dans une lettre lundi aux membres du Conseil d'administration, dont l'AFP a obtenu copie, il a annoncé aux administrateurs qu'il abandonnerait "par souci de transparence (...) la plupart" de ses mandats actuels. Mais il conservera la présidence de Sofiprotéol, l'établissement financier de la filière des huiles et protéines végétales dont Lesieur est l'une des filiales.
Ses objectifs: "gagner en compétitivité, reconquérir la juste part de valeur ajoutée, favoriser l'investissement et la modernisation" des exploitations.
Les deux hommes "incarnent l'existence de modèles différents d'entreprises en agriculture", estime François Purseigle, sociologue. Selon lui, l'opposition entre les deux hommes ne se réduit pas à l'habituel clivage éleveur contre céréalier.
"Les agriculteurs se revendiquent des entrepreneurs mais ils ne conçoivent pas tous l'entreprise de la même façon, dans son rapport au marché, dans sa capacité à exporter", explique-t-il. "Si certains la perçoivent comme une entreprise familiale, ancrée dans un territoire, d'autres l'envisagent comme une entreprise plus marchande, plus technicienne, plus scientifique".